lundi 8 juin 2015

Vaccination et Centres de Santé

La loi de santé publique du 9 août 2004 a fixé comme objectif de couverture vaccinale une couverture vaccinale de 95% en 2008 pour toutes les vaccinations relevant de recommandations en population générale, à l’exception de la grippe (75%). En 2012, ils n’étaient pas atteints pour la plupart des vaccinations concernées, sauf chez l’enfant pour la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche et l’Haemophilus influenzae b pour la primo-vaccination (1).
Une enquête réalisée en milieu scolaire entre 2008 et 2009 relevait que seulement 84% des adolescents de 15 ans étaient à jour de leur vaccination DTP et 70% pour la Coqueluche (2). Pour les adultes, les données épidémiologiques sont plus complexes à analyser du fait de l’absence de recueil de données systématique des vaccinations. D’après les données vaccinales de l’Enquête Santé et de Protection Sociale réalisée en 2002 (3), seules 62,3% des personnes âgées de plus de 15 ans déclaraient avoir été vaccinées contre le tétanos depuis moins de 10 ans et 71,2% depuis moins de 15 ans (1, 3, 4). Plus récemment, dans une enquête nationale téléphonique réalisée en 2011 par l’Institut de veille sanitaire (InVS), seulement 44% des personnes âgées de plus de 65 ans déclaraient être à jour de leur rappel décennal DTP (5). Les couvertures vaccinales des autres vaccinations recommandées comme le ROR, l’hépatite B, le pneumocoque, ou le méningocoque restent insuffisantes, malgré une nette progression ces dernières années (1).
De nombreuses études scientifiques ont cherché à identifier les freins et les leviers à la vaccination (6-13). Parmi les freins identifiés, quatre facteurs reviennent fréquemment : le manque d’information de la population (14), la peur, entretenue par différentes polémiques, de la non innocuité des vaccins (comme sclérose en plaque et vaccination anti hépatite B, vaccin et autisme, vaccin antigrippal H1N1 et adjuvant) (15), les occasions manquées (10, 11, 13) et la difficulté d’accès à la vaccination (13).

Depuis 2008, une réflexion sur la stratégie nationale de la politique vaccinale a été engagée afin d’améliorer la protection vaccinale. Un programme national d’amélioration de la politique vaccinale 2012-2017 a été élaboré. Douze actions ont été identifiées (16) :
1.     Accélérer le processus de simplification du calendrier vaccinal
2.     Assurer le suivi vaccinal de la personne dans un outil partage avec les professionnels de sante
3.     Optimiser la vaccination en allant vers les lieux de vie
4.     Simplifier le parcours vaccinal en médecine libérale
5.     Les campagnes de vaccination spécifique (pour une population, une valence…)
6.     Promouvoir l’accès aux connaissances sur la prévention vaccinale pour les professionnels de sante
7.     Communiquer avec le grand public sur la prévention par la vaccination
8.     Redéfinir les notions de vaccinations obligatoires et recommandées
9.     Renforcer le respect des recommandations vaccinales en collectivité
10.  Améliorer l’évaluation des couvertures vaccinales
11.  Faciliter le recueil et l’analyse des données de pharmacovigilance des vaccins et les porter à la connaissance du public et des professionnels de santé
12.  Promouvoir la recherche sur les vaccins

Et les centres de santé ?
En France, les systèmes de vaccination organisés par les centres de vaccination et les PMI représentent, au niveau national, moins du cinquième des vaccinations réalisées chaque année (17). Néanmoins, l’action des centres de santé est à souligner. De nombreuses actions s’inscrivent dans ces axes d’amélioration de la politique vaccinale et étaient menées avant même la mise en place de ce programme, par exemple :
·       Dossier médical pluri-professionel partagé permettant un suivi vaccinal du patient commun à tous les médecins et infirmières d’une même structure
·       Campagne de vaccination dans les lieux de vie des patients (foyer ADOMA,...)
·       Simplification du parcours vaccinal avec notamment la mise en place de stock de vaccin disponible lors des consultations, ou de plage de consultations dédiées à la vaccination et bénéficiant de la gratuité
·       Participation à des campagnes de vaccination spécifique (BCG lors des ruptures de stock,...)
·       Staff pluri-professionnel sur la vaccination et le calendrier vaccinal, permettant l’amélioration des connaissances et le partage des expertises de chacun
·       Affichage de campagne de vaccination et participation à la Semaine Européenne de la vaccination appuyée par l’OMS (18)
·       Participation à la pharmacovigilance

Prenons l’exemple de la disponibilité d’un stock de vaccin lors des consultations. Cette initiative possible grâce à un financement propre montre comment les centres de santé peuvent être modélisant sur la question de la vaccination. Elle répond à une attente institutionnelle mais aussi des usagers et des médecins. Lors d’une étude réalisée par l’INPES après la Semaine de la vaccination 2012, 42% des personnes interrogées déclaraient que la vaccination serait facilitée si le médecin disposait du vaccin au moment de la consultation. Parmi les médecins interrogés ayant des difficultés à mettre à jour les vaccins de leurs patients, 54% trouvaient que les patients avaient du mal à prendre du temps pour cela et 28% déclaraient que les patients oubliaient à chaque fois d’acheter le vaccin en pharmacie (19).
La mobilisation des centres de santé doit se poursuivre. Les freins à la vaccination évoqués plus haut  existent toujours et semblent même se renforcer. Par exemple, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) a observé une diminution de 19,7% du nombre de vaccins contre la grippe saisonnière distribués entre 2009 et 2010 (20). La vaccination est un geste invasif mais c’est l’un des plus grand progrès de la médecine moderne. Elle a permis d’éradiquer la variole, et bientôt la poliomyélite. Certains diront que la disparition de ces maladies infectieuses est due à l’amélioration des conditions d’hygiène. Les deux y ont participé mais si on prend l’exemple de la rougeole, la figure 1 montre bien que l’introduction de cette vaccination a permis de faire baisser l’incidence de cette maladie dans des conditions d’hygiène comparable. La perception du risque infectieux et vaccinal est la source d’une polémique, aussi ancienne que l’épidémiologie. Dès 1760 d’Alembert faisait remarquer à Bernoulli, que la vaccination antivariolique dépasse la problématique mathématique en opposant un risque immédiat et individuel à un bénéfice plus lointain et collectif (21). A nous de savoir trouver les ressources nécessaires pour aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour décider de façon éclairée sur ces questions de prévention.
Docteur Louise Rossignol
Figure 1 : Introduction du vaccin rougeole et incidence de la rougeole à partir des données du Réseau Sentinelles UMR S 1136 Inserm/ UPMC
Références
1. Guthmann JP, Fonteneau L, Lévy-Bruhl D. Mesure de la couverture vaccinale en France. Sources de données et données actuelles. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire. 2012.
2. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire (France). Couverture vaccinale diphtérie, tétanos, poliomyélite et coqueluche chez les enfants scolarisés en classe de 3ème (15 ans)  [cited 2014]. Available from: http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-prevention-vaccinale/Couverture-vaccinale/Donnees/Diphterie-tetanos-poliomyelite-coqueluche.
3. Guthmann JP, Fonteneau L, Antona D, Lévy-Bruhl D. La couverture vaccinale diphtérie, tétanos, poliomyélite chez l’adulte en France : résultats de l’enquête Santé et Protection Sociale, 2002. Bull Epidémiol Hebd. 2007;51-52:441-5.
4. INPES, Direction Générale de la Santé, Comité Technique des Vaccinations (France). Guide des vaccinations 2012.
5. Guthmann JP. Enquête nationale de couverture vaccinale, France, janvier 2011. Couverture vaccinale contre la grippe saisonnière dans les groupes cibles et mesure de l’efficacité vaccinale. Couverture vaccinale par les vaccins diphtérie-tétanos-poliomyélite (dTP) et antipneumococcique chezles personnes âgées de 65 ans et plus. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire. 2011.
6. Lungarde K, Blaizeau F, Auger-Aubin I, Floret D, Gilberg S, Jestin C, et al. How French physicians manage with a future change in the primary vaccination of infants against diphtheria, tetanus, pertussis and poliomyelitis? A qualitative study with focus groups. BMC Fam Pract. 2013;14:85. PubMed PMID: 23782853. Pubmed Central PMCID: 3691920. Epub 2013/06/21. eng.
7. Sandon A. Freins et leviers à la vaccination : quelles stratégies pour la Bourgogne. Dossiers techniques IREPS-ARS Bourgogne. 2012;4.
8. Baudier F, Léon C. Le geste vaccinal : préserver sa place au cœur de la prévention. Baromètre Santé INPES. 2005:241-78.
9. Johnson DR, Nichol KL, Lipczynski K. Barriers to adult immunization. Am J Med. 2008 Jul;121(7 Suppl 2):S28-35. PubMed PMID: 18589065.
10. Schmitt HJ. Factors influencing vaccine uptake in Germany. Vaccine. 2001 Oct 15;20 Suppl 1:S2-4; discussion S1. PubMed PMID: 11587799.
11. Nowalk MP, Zimmerman RK, Feghali J. Missed opportunities for adult immunization in diverse primary care office settings. Vaccine. 2004 Sep 3;22(25-26):3457-63. PubMed PMID: 15308372.
12. Schmitt HJ, Booy R, Aston R, Van Damme P, Schumacher RF, Campins M, et al. How to optimise the coverage rate of infant and adult immunisations in Europe. BMC Med. 2007;5:11. PubMed PMID: 17535430. Pubmed Central PMCID: 1903356.
13. Burns IT, Zimmerman RK. Immunization barriers and solutions. J Fam Pract. 2005 Jan;54(1 Suppl):S58-62. PubMed PMID: 15623395.
14. Balinska MA. Vaccination in tomorrow's society. Lancet Infect Dis. 2003 Jul;3(7):443-7. PubMed PMID: 12837350.
15. Baudier F, Allemand H, Lancry PJ. [Threats on vaccination?]. Rev Epidemiol Sante Publique. 2002 Dec;50(6):505-8. PubMed PMID: 12515920. Menaces sur la vaccination?
16. Ministère des Affaires sociales et de la Santé (France). Programme National d’Amélioration de la Politique Vaccinale 2012-2017.
17. Cour des comptes (France). La politique vaccinale de la France. 2012.
18. OMS. Les sept raisons essentielles pour que la vaccination reste une priorité dans la Région européenne de l’OMS. Semaine européenne de la vaccination. 2012.
19. Baudon C, Jestin C, Lydié N, Lamboy B. Évaluation de la semaine de la vaccination, Résultats et recommandations, Volet quantitatif. INPES. 2012.
20. Tuppin P, Choukroun S, Samson S, Weill A, Ricordeau P, Allemand H. [Vaccination against seasonal influenza in France in 2010 and 2011: decrease of coverage rates and associated factors]. Presse Med. 2012 Nov;41(11):e568-76. PubMed PMID: 22795870. Epub 2012/07/17. Vaccination contre la grippe saisonniere en France en 2010 et 2011 : diminution des taux de couverture et facteurs associes. fre.
21. Dietz K, Heesterbeek JA. Bernoulli was ahead of modern epidemiology. Nature. 2000 Nov 30;408(6812):513-4. PubMed PMID: 11117719. Epub 2000/12/16. eng.