vendredi 19 juin 2015

Centres de Santé un avenir incertain et pourtant… Tribune du docteur Tyrode

Jamais auparavant, je n’ai autant entendu parler de regroupement souhaitable des professionnels de santé, de pénurie de professionnels, de difficultés d’accès aux soins, de déserts médicaux, de généralisation du tiers-payant… C’est dans ce contexte que les collectivités territoriales, voyant leurs source de financement s’assécher, ferment où s’interrogent quant au devenir de leurs centres de santé.

A Gennevilliers depuis plus de dix ans, conscient qu’un Centre de santé isolé, aussi important soit-il est vulnérable, un partenariat étroit avec les Hôpitaux AP-HP et PSPH du territoire a été instauré. Des consultations hospitalières avancées, ont été mises en place, des personnels mis en commun. Ainsi une réflexion concernant les passages aux urgences a abouti à l’ouverture d’une PDSA sur le centre Gatineau-Sailliant (permanence des soins en ambulatoire), il y a maintenant deux ans.

Du lundi au vendredi de 20h à 24 heures et le Dimanche matin et jours fériés, un médecin de garde, assisté d’une secrétaire administrative et d’un vigile reçoit en consultation non programmée de nuit. Ces patients adressés par la régulation du Centre 15, n’ont pas à faire l’avance des frais à l’instar de l’hôpital et reçoivent le lendemain leur facture éditée par le Centre de Santé. La régularité des consultations croit, au fur et à mesure que l’information diffuse dans la population et atteint une moyenne de six consultants par nuitée. La nuit de samedi à Dimanche, n’est pour l’instant pas couverte car statistiquement et pour des raisons mystérieuses peu fréquentée là où elle est proposée.

Devant les difficultés conjoncturelles rencontrées par les uns ou les autres, deux attitudes sont possibles. Attendre, en « serrant les miches », le bon ou le mauvais vouloir du Conseil Municipal, ou tenter de proposer aux Elus de nouvelles perspectives et pourquoi pas des changements radicaux de fonctionnement et d’organisation.
Force est de constater que le recrutement en spécialité est de plus en plus difficile, ne parlons pas des ophtalmos, des radiologues, des ORL et autres psychiatres. Nous contenterons nous de nous lamenter les bras ballants, déplorant la politique certes condamnable des pouvoirs publics qui nous ont amené à cela. Qui peut espérer, dans cette Europe libérale, et les politiques d’austérité mises en place une hypothétique marche arrière à court terme. La principale solution apportée sur certains sites consiste à fermer service par service et à dépecer progressivement la structure.


Alors allons y franchement, tranchons dans le vif, pour sauver peut être ce qui peut l’être encore dans les petites structures. Est- il pertinent de conserver de ci delà quelques vacations de spécialistes de deuxième ligne, sans pouvoir mettre à leur disposition un plateau technique digne de ce nom. Comment demain attirer de jeunes consoeurs et confrères spécialistes dans des locaux  inadaptés à leurs légitimes attentes. Nous  « bricolons », embauchant des collègues retraités du public ou du privé, espérant combler le vide que rencontrent nos propositions contractuelles. Pour combien de temps encore, et avec quelle pérennité ? Il est temps de nous poser la question, doit on partout proposer un saupoudrage en spécialité ? Je ne le crois plus, pour moi, l’heure est à la « première ligne » !
 Le pic de pénurie maximal en médecine générale est à venir pour 2020, date à partir de laquelle les effectifs remonteront peu à peu. Alors, quitte à ouvrir des vacations, ouvrez-en en Médecine Générale, autour d’un secteur infirmier renforcé, pour dégager une marge économique, éteignez l’offre dans les spécialités sinistrées, passez des conventions de partenariat avec les hôpitaux du territoire. Inscrivez dans les contrats de travail, des généralistes, la nécessité qu’ils deviennent maitre de stage en Médecine générale, permettant de renforcer l’offre en consultations sans alourdir les charges salariales du Centre. Positionnez votre infirmerie comme lieu de formation des futures collègues, proposez plutôt que de le subir, un audit organisationnel ou un contrôle de gestion. Seules les structures les mieux gérées passeront la crise financière actuelle. La peur n’évitant pas le danger, n’attendez pas que des non professionnels gestionnaires vous imposent les choix innovez !
J’entends déjà les critiques s’exprimer, « déjà qu’ils veulent nous fermer, il nous propose de leur tresser la corde pour nous pendre »…Foutaises ! Quand une Municipalité décide de fermer, elle le fait comme ce fut le cas à Colombes, il y a quelques mois !
Il y a treize ans, conventionnant avec l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, j’écrivais « Centre de santé Hôpital hors les murs », je persiste et je signe.
 La gestion communale de nos structures a peut-être vécu…et peut-être est-ce un bien ! Comment vivre perpétuellement dans l’angoisse d’un changement de Municipalité, comment gérer au mieux une structure si spécifique et si originale dans le petit monde de la fonction publique territoriale ? Comment faire comprendre, la nécessaire réactivité dont ont besoin les responsables de centres en matière de RH, de remplacement, d’embauche…Comment expliquer que nous gérons une petite PME, sans s’attirer les foudres des ayatollahs du service public. Cette année, moins quatre pour cent de budget de fonctionnement, si l’on n’y prend pas garde, cela se traduira par un déficit annuel supérieur à l’économie demandée au détriment du Budget municipal ! Moins de consommables en radio se traduira par une baisse d’activité, la masse salariale demeurant constante le déficit s’accroitra… Oui mais le Directeur Général Adjoint (DGA) aux dépenses, n’est pas partout le DGA aux recettes alors que faire ? Décentraliser dans une administration est culturellement difficile, il y règne la peur de la délégation  au risque de perdre le contrôle et de voir les dépenses exploser. Le Grand Paris et les contrats d’agglomération sont dans l’air du temps, les communes voient avec anxiété leurs marges de manœuvre fondre, il nous faut insister pour faire inscrire la problématique santé (bien que non régalienne) dans leurs instances de concertation.
Est-il inconcevable de penser que les communes non dotées de Centre participent au financement des structures voisines au prorata de leurs administrés qui s’y font soigner ? Est il stupide, dangereux, utopique d’étudier pour certains le principe d’un « rattachement hospitalier ». La loi HSPT prévoit la possibilité pour un hôpital de gérer un centre de Santé. Ne serait ce pas une solution pour obtenir différentes sources de financement, intercommunal agglomération, budget global,  ancrant notre structure de façon pérenne dans le système de distribution des soins, garantissant l’accès aux soins à une population de plus en plus fragilisée face à une offre paupérisée.
On a vu parfois rejaillir le feu de l’ancien volcan qu’on croyait éteint…. La difficulté oblige à l’inventivité, face au dogmatisme des ultralibéraux, n’opposons pas nos nostalgiques rêves déçus. Le service public a encore de beaux jours à vivre à condition de lui donner un peu d’oxygène!