jeudi 11 juin 2015

Permanence Des Soins Ambulatoires au sein d’un centre de santé

Le projet innovant de la PDSA au CMS de Gennevilliers - Dr Daniel Thiollier, Dr Alain Tyrode

Les gardes de PDSA (Permanence Des Soins Ambulatoires) existent dans la ville de Gennevilliers au sein du CMS (Centre Municipal de Santé) depuis le 15 avril 2013, les soirs de semaine, de 20 à 24 heures.
En date du 20 mai 2015, 39 médecins libéraux et salariés ont participé aux gardes et ont effectué 2533 consultations.
Ce système de consultations non programmées de soirée permet à des médecins salariés de participer à la permanence des soins.
La permanence des soins correspond en outre pleinement aux missions d’un centre municipal de santé et favorise ainsi  le développement du tissu médico-social.


Présentation
Les acteurs et les partenaires de la ville de Gennevilliers – à savoir l’ARS (Agence Régionale de Santé), le Conseil de l’Ordre des Médecins du 92, la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie), le SAMU 92, les représentants des services d’urgence du 92, les responsables hospitaliers et les autres membres du CODAMUPS - TS (Comité Départemental de l’Aide Médicale Urgente, Permanence des Soins et des Transports Sanitaires) – ont décidé de développer un projet expérimental sur deux années, approuvé par l’ARS le 4 octobre 2011.
Il existe deux modes de recours aux consultations non programmées : un dispositif hospitalier (SAU (Service d’Accueil des urgences), SAMU, pompiers, Service de Protection Civile) destiné aux problèmes de santé graves nécessitant des soins lourds, et un dispositif ambulatoire (Maisons Médicales de Garde (MMG), SOS Médecins) destiné à répondre à la perception de l’urgence ressentie par le patient, sans menace du pronostic vital à court et moyen termes ; les deux dispositifs ne se substituant pas l’un à l’autre.
En 2013, force est de constater que dans le territoire de la ville de Gennevilliers et des villes avoisinantes, il existe un déficit de permanence des soins ambulatoires pour une population socio-économiquement vulnérable, ce qui entraîne obligatoirement un report des patients dans les SAU de proximité (les hôpitaux Beaujon à Clichy, Louis Mourier à Colombes, Max Fourestier à Nanterre, etc.) et implique un surplus de consultations hospitalières inadaptées qui dégradent la qualité des soins dans les services d’urgences.
Le projet initial faisait intervenir un vigile, une infirmière, un médecin sénior et un interne SASPAS (Stage Autonome en Soins Primaires Ambulatoires Supervisé) tous les soirs de semaine de 20 à 24 heures. Le dispositif ainsi que les horaires ont été modifiés au cours de l’année 2014 : suppression de l’interne SASPAS (notre activité ne nécessitait pas la présence de deux médecins) et remplacement de l’infirmière par un agent administratif. Depuis le premier janvier 2015, les consultations de garde sont ouvertes les dimanches et jours fériés, de 9 à 12 heures.
Nous travaillons en partenariat avec les sapeurs-pompiers (régulation 18) qui peuvent être amenés à déposer des patients avec l’accord du médecin de garde. Ceci évite à la fois une perte de temps pour les patients et les sapeurs-pompiers, l'engorgement des urgences et surtout une diminution de la perte des chances médicales pour les patients.

Déroulement
Un patient qui ressent une urgence doit composer le 15. Le médecin régulateur de l’appel évalue sa situation et l’oriente vers le service le plus adapté pour sa prise en charge. Le médecin peut donner des conseils téléphoniques et/ou adresser le patient à une maison médicale de garde, à SOS Médecins, aux urgences hospitalières ou au SAMU. Ce patient peut être dirigé vers le CMS (signalisation par un panneau lumineux « Consultations non programmées de soirée »). Les patients peuvent accéder directement à ces consultations, mais les personnels de PDSA les incitent vivement à composer le 15 pour qu'une ébauche de diagnostic soit posée et éviter une perte de temps et de chance pour le patient en cas de mauvais adressage.
Le patient est tout d’abord reçu par un agent administratif qui enregistre les droits du patient : il n’y a aucun échange d’argent pendant la garde, les patients sont invités à revenir régler leurs consultations pendant les heures d’ouverture des services administratifs. Nous conservons ainsi dans le dispositif d’accueil de nuit un fer de lance de notre pratique de jour en CMS : le tiers-payant intégral.
39 médecins libéraux et salariés ont assuré les gardes depuis 2 ans. 20 d’entre eux exercent dans un CMS (Gennevilliers ou autres), 15 sont des médecins libéraux de Gennevilliers ou de villes adjacentes et 5 sont des médecins titulaires d’une licence de remplacement.
Notre système permet une collaboration fructueuse et égalitaire entre médecins libéraux et salariés.
Les médecins ont à leur disposition des bandelettes urinaires, des plateaux de suture avec fils résorbables et non résorbables, un appareil à aérosol, un ECG, un appareil de radio portatif permettant de faire des clichés de petites articulations, une valise d’urgence avec défibrillateur, un ambu d’oxygène.

La PDSA s’intègre totalement dans les services de soins continus des patients puisqu’à chacun est remis un résumé de la consultation destiné à son médecin traitant.

Activités
Sur 2 ans, du 15 avril 2013 au 15 avril 2015, 2390 consultations ont été effectuées durant les 520 gardes, ce qui correspond à une moyenne de 4,59 patients par garde.
Le ratio hommes/femmes est de 39% / 61%.
Le ratio adultes/enfants 70% / 30%
La moyenne d’âge des patients est de 21 ans.
Le nombre d’actes va croissant depuis l’ouverture des gardes :
-        15 avril - 31décembre 2013 : 538 actes effectués
-        1er janvier - 31 décembre 2014 : 1294 actes effectués
-        1er janvier 2015 - 20 mai 2015 : 701 actes effectués
Il est à noter que depuis 2015, les consultations de garde sont également ouvertes  les dimanches et  jours fériés de 9 à 13 heures.




Activités sur un échantillon de 151 patients en 2013 :
Les infections ORL représentent 35% des diagnostics, les douleurs abdominales comprenant les gastro-entérites aigües, 12% ; les traumatismes, 11% ; les infections respiratoires, 7%. Cet ensemble de pathologies constitue donc les deux tiers des diagnostics de consultations. S’ensuivent les douleurs articulaires, qui représentent 5% des diagnostics ; les infections urinaires et gynécologiques, 4% ; les douleurs thoraciques, 3% ; les fièvres isolées, 3% ; les anxiétés et angoisses, 2% et  les autres pathologies représentent  en tout 18% et concernent chacune  1 ou 2 consultations.
Sur l’ensemble de ces consultations, seuls 3 patients ont été ré-adressés aux urgences, c’est-à-dire 1,9% des cas.
Activités sur un échantillon de 618 patients en 2014 :
Les infections ORL représentent 26% des diagnostics ; les douleurs abdominales, 16% ; les affections dermatologiques, 15% ; les traumatismes, 9% ; les douleurs autres qu’abdominales (musculaires, articulaires, thoraciques, etc.), 7%. Cet ensemble de pathologies représente les trois quarts des consultations. S’ensuivent les infections respiratoires, qui représentent 6% des diagnostics ; les infections urinaires et gynécologiques, 4% ; les fièvres isolées, 4% ; les infections oculaires, 3% et les autres pathologies représentent  en tout 10%.
29 patients ont été ré-adressés aux urgences, c’est-à-dire 4,7% des consultations. Parmi ces 29 patients, 17 étaient destinés aux urgences chirurgicales.


Évolution en cours
-        Est à l’étude une extension des consultations au samedi après-midi et soir, afin de simplifier la visibilité des jours d’ouverture de notre service de PDSA par la population. 
-        Un questionnaire de satisfaction va être lancé prochainement, avec deux objectifs
principaux :
l'amélioration de notre offre médicale et l’identification des raisons pour lesquelles les patients qui viennent en consultations non programmées de soirée n’ont pas consulté leur médecin généraliste. La PDSA ne peut pas et ne doit surtout pas constituer une médecine de suivi. Il est essentiel d’éduquer la population dans ce sens.
-        L’utilisation d’un module d’extraction de données est prévue, dans le but de récupérer facilement  les diagnostics des consultations.

Il existe cependant un manque de visibilité quant à la réduction des actes des services d’urgences que la PDSA assure. En effet, ni l’hôpital, ni l’ARS ne communiquent de chiffres à ce sujet. Les rencontres avec les services hospitaliers d’urgences n’ont lieu qu’à l’occasion des réunions CODAMUPS-TS durant lesquelles de nombreux autres sujets sont évoqués.
Ces dernières années, il est indiqué que le nombre de passages aux urgences n’a jamais cessé de croître (augmentation de 36% entre 2000 et 2009).
L’articulation voulue avec les services d’urgences reste malheureusement très théorique et trop unilatérale.
Les médecins de garde contactent les services d’urgence lorsqu’ils ré-adressent les patients aux urgences, par courrier et/ou contact téléphonique. Notre structure n’est pas adjacente à une structure hospitalière et il est donc aisé de comprendre qu’un patient qui se présente aux urgences ne soit pas adressé au CMS (nécessitant au patient de prendre un véhicule pour venir). Cependant nous entretenons de très bonnes relations avec les personnels du centre 15 et les responsables du SAMU 95 à l’Hôpital de Garches, avec lesquels nous échangeons régulièrement sur nos activités.
Il existe à l’hôpital une situation paradoxale puisque le nombre de passages de patients permet, du fait de la tarification à l’acte, de faire pérenniser les budgets et donc les emplois.
Nous considérons que les patients reçus dans le cadre de la PDSA auraient majoritairement consulté aux urgences si notre structure n’existait pas. Il est en outre certain que le coût d’une consultation de PDSA, même majoré le soir ou les week-ends, est nettement inférieur à celui d’un passage aux urgences.

Après 2 ans de fonctionnement, notre service expérimental s’est révélé innovant et efficient : notre activité est croissante, la PDSA montre son utilité certaine dans les services de soins de proximité, enrichissant ainsi le tissu médico-social de la ville. Des barrières ont été rompues, les médecins salariés en collaboration avec des médecins libéraux participent à la PDSA. Forts de notre expérience concluante, nous espérons vivement la partager avec des confrères afin que d’autres centres de santé développent à leur tour ce type de service médical pour les populations vulnérables.