samedi 12 septembre 2015

Accord National acte 2, Loi de Santé suite et solidarité : agir !


Réagir et agir face au drame 
Comment ne pas réagir face au drame qui se joue désormais sous nos yeux ?  Les guerres en Syrie, en Irak, en Lybie ont pourtant alimenté ces derniers mois les bulletins d’information, mais dans une indifférence quasi générale il est vrai. Finalement, la question était surtout de savoir si elles allaient avoir des répercussions sur nos économies chancelantes... Mais voilà qu’elles nous ont rattrapés, violemment, interpellant nos consciences, enfin… Les morts, nombreux depuis des années, tombaient à nos frontières, invisibles, ignorés. Ils les ont franchies… Les corps s’échouent, les  camions deviennent des corbillards, charniers ambulants, témoins autant de l’ignominie des passeurs que de la real politique assassine des états européens  et de leurs dirigeants aux certitudes deux fois ébranlées en quelques mois : la réaction du peuple grec et aujourd’hui, un flot de réfugiés victimes de l’incapacité du monde à agir pour empêcher et stopper des guerres meurtrières.
Aussi, nous joignons  nos voix de médecins, de citoyens d’un monde qui ne peut plus fermer les yeux, de femmes et d’hommes tout simplement,  à toutes celles qui dans un mouvement de solidarité et d’indignation demandent que les milliers de migrants fuyant les guerres et leurs exactions soient accueillis avec humanité et dignité en France et dans toute l’Europe. La mise en place d’un réseau de solidarité européen et international qui réponde aux enjeux humanitaires et sanitaires de cet exode massif est urgente et les acteurs de la santé doivent se mobiliser. Les initiatives solidaires s’organisent. Nous, médecins de centres de santé, en serons. Mais cet élan citoyen ne doit pas exonérer nos gouvernants et dirigeants français de leur responsabilité à apporter des réponses politiques dans le respect des valeurs qui ont fondé le pays des droits de l’homme, et d’abord la première, la fraternité…
Rentrée interrogative  pour les centres  de santé
C’est donc fait : un nouvel accord national, le deuxième de l’histoire,  a été enfin signé entre la CNAMTS et les organisations gestionnaires des centres de santé début juillet.  Il ponctue enfin 12 ans d’attente après la signature du premier accord en 2003 et après une année de négociations difficiles. Elles furent même interrompues unilatéralement par la CNAMTS suite au mouvement des médecins libéraux rejetant en bloc  et dans un même élan, les nouvelles rémunérations forfaitaire des pratiques d’équipe et la loi de santé, dont la mesure phare et symbolique, la généralisation du tiers payant. Que de temps perdu ! Je vous renvoie sur ce sujet à nos nombreux communiqués de presse dénonçant l’irresponsabilité des organisations syndicales libérales, leur corporatisme et leur archaïsme.
Quel premier bilan tirer de l’accord national alors que sa mise en œuvre ne sera effective qu’au 1er janvier 2016 et qu’il est annoncé comme une réponse aux revendications de financements des centres ?
Je ferai une première observation sur cette nouvelle version : pour succéder à l’Accord de 2003, nous espérions un dispositif simple et universel qui s’applique à tous les centres de santé satisfaisant les obligations de la loi et remplissant les missions de soins de secteur 1 en tiers payant et d’accessibilité sociale, sans dépenses administratives dispendieuses pour sa mise en œuvre et pour son suivi, au risque de grever alors son bénéfice financier. Pour le coup, c’est raté.
Je salue néanmoins l’opiniâtreté et l’obstination des négociateurs  gestionnaires  dont la Fédération Nationale des Centres de Santé qui ont permis de faire de cet  accord un nouvel acte fondateur et de développement des centres  de santé. Nous noterons tout de même que de mêmes erreurs ont été produites en 2015 comme elles l’avaient été en 2013. Espérons qu’elles ne portent pas préjudice à un accord qui doit être une avancée pour le mouvement des centres. Citons-en deux :
1.     L’absence des professionnels de santé des centres  aux négociations alors que de nombreux dispositif, sources de financements pour les structures, s’appuient sur eux. Ainsi, la transposition de la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP)  aux centres de santé, un paiement à la performance qui ne dit pas son nom,  va amener de fait une évaluation des pratiques des médecins par la CNAMTS et par les gestionnaires au regard d’indicateurs dont la pertinence médicale et scientifique reste à démontrer. Et elle va questionner sur la répartition de ces ressources nouvelles entre professionnels et gestionnaires, en particulier dans les structures rémunérant leurs médecins à l’activité et non à la fonction. Les recettes supplémentaires  annoncées (pour rappel entre 5000 et 6000 euros/ an en moyenne pour les médecins généralistes libéraux depuis la mise en œuvre des ROSP) seront-elles au rendez vous pour les centres et satisferont-elles les attentes de leurs promoteurs? Un travail réel  (et non une simple consultation) avec les organisations syndicales professionnelles était nécessaire. Il aurait du être  exigé par les gestionnaires des centres pour s’assurer de la faisabilité et de l’efficacité de cette transposition. C’est une occasion de rapprochement avec leurs professionnels qu’ils ont ratée. 

2.     L’abdication des gestionnaires face au refus de la CNAMTS d’intégrer dans la négociation la principale cause de surcout structurel des centres de santé, la pratique du tiers payant, est, elle, plus problématique. Aujourd’hui, tous s’accordent, la Ministre de la Santé, la  CNAMTS, les professionnels de santé libéraux, les gestionnaires des centres, à  reconnaitre que le tiers payant a un cout significatif. Il est, en l’état,  assumé par ceux qui le pratiquent, au plus grand bénéfice des organismes payeurs, Assurance Maladie et assurances complémentaires. Obligatoire pour les centres de santé, il représente  pour eux 10 à 15 % de charges supplémentaires. La ministre en est consciente : la généralisation du tiers payant à tous les médecins libéraux et leur adhésion au dispositif ne seront obtenues que par une simplification des procédures et une garantie d’absence de cout à le pratiquer. Les injonctions de la Ministre  envers la CNAMTS et les assurances complémentaires à répondre à ces deux problèmes laissent augurer une issue favorable dont les centres de santé seront les premiers bénéficiaires. Mais dans quel délai ? Pas avant…. deux ans, si le calendrier est respecté ! Et qu’adviendra-t-il dans l’intervalle des centres de santé au bord de l’agonie financière alors que ce surcout est (enfin) reconnu par la Ministre ??? Les gestionnaires de bonne foi qui se démènent pour maintenir leur centre ou certaines de leurs activités résisteront ils jusque là ? Et quel argument  facile pour les gestionnaires de mauvaise foi qui attendent la première occasion pour démembrer des structures dont ils ne veulent pas… L’histoire récente du Centre Municipal de Santé de Colombes nous le rappelle. Aussi, des mesures conservatoires transitoires finançant les centres de santé pour leur pratique du tiers payant doivent être exigées auprès de la Ministre mais aussi de la CNAMTS jusqu’à la généralisation du dispositif. Ce serait paradoxal et inacceptable que des centres meurent des conséquences de cette mesure essentielle à l’accès aux soins et à l’accompagnement social des patients quelques mois avant sa généralisation.
Sinon, l’Accord National répond il aux revendications des acteurs des centres de santé telles que nous les avions portées auprès de Madame Touraine en 2012 et 2013 ?
En dehors du coût du tiers payant si essentiel, la réponse est positive. En synthèse :
·       Les dispositifs conventionnels de financement des médecins libéraux y ont été transposés : les ROSP donc mais aussi les forfaits divers (médecin traitant, personnes âgées,…).
·       La rémunération des équipes, qui pérennise et généralise  l’expérimentation des Nouveaux Modes de Rémunération  devenue règlement arbitral, y est intégrée dans le cadre d’un dispositif plus global appelé AOC (Accessibilité-Organisation des Centres de santé). L’AOC définit des engagements socles et des engagements optionnels ouvrant droits à des rémunérations nouvelles pour les centres de santé. Une pondération des différents indicateurs servant au calcul des financements accordés prend en compte la précarité sociale des usagers des centres. Et il est à souligner que  les centres de  santé dentaires et infirmiers bénéficient de l’AOC sous une forme adaptée. 
·       Les centres de santé ont enfin accès à des financements spécifiques dans les territoires médicalement déficitaires.
·       Et, nous ne pourrons nous empêcher d’en sourire un peu,  des outils de prévention que nous utilisions déjà pour beaucoup  sont officiellement mis a notre disposition (tests angine, tensiomètres électroniques, ...).
L’Accord est en première lecture encourageant mais son examen attentif soulève de nombreux points d’interrogation. Nous y reviendrons plus en détails dans les semaines à venir mais citons en quelques uns :
·       Dans les engagements socles figure l’obligation faite aux centres d’être ouverts de 8h à 20h. Sans parler de la pertinence d’une telle exigence, force est de constater que peu de centres sont dans cette situation. Mais surtout eu égard aux dépenses à engager pour y répondre et en regard du bénéfice escompté, il est à craindre que  peu de centres le fassent…Des dérogations seront  sans doute accordées à cette règle. Mais par qui ? La CPAM, l’ARS ? Centre par centre ? Ou territoire par territoire ? Ces questions exigent des réponses rapides.
·       Bonne nouvelle, l’AOC  va valoriser l’engagement des centres qui mettront en place les conditions d’accueil et d’encadrement d’étudiants, en particuliers externes et internes en médecine générales par les médecins salaries de leurs équipes. Mais rappelons que les problématiques du statut des maitres de stages universitaires de centres de santé ne sont toujours pas réglées après  2 années de travail entre l’USMCS et le Ministère. La présence des professionnels aux négociations aurait permis de dépasser la déclaration d’intention du texte et de valoriser réellement cette mission de formation médicale initiale que de nombreux médecins de centres de santé font déjà avec l’accord de leurs gestionnaires, mus pas leur seule conviction.
·       Enfin, l’accord national précise le cadre réglementaire de la participation des médecins et chirurgiens dentistes de centres de santé à la Permanence des Soins Ambulatoires. Mais il ne lève pas les obstacles qui aujourd’hui ne le permettent pas : cout d’ouverture et de fonctionnement des services dentaires des centres devant assurer la garde ; modalités de rémunération des centres et de leurs professionnels de santé, médecins et dentistes, lors de la PDSA. Il ne permet  que le versement des indemnités de la PDSA aux structures sans préciser le circuit de facturation des actes et le cadre légal qui s’applique aux praticiens : activité complémentaire ou intégrée au contrat de travail ? De vraies négociations doivent s’engager sans tarder entres les organisations professionnelles et gestionnaires.
Au final, cet accord national apparait comme une source d’améliorations potentielles de la situation des centres. Les organisations signataires et la FNCS en premier doivent en être remerciées. Il participe à la reconnaissance officielle des missions spécifiques d’accès aux soins des centres et du travail d’accompagnement social de leurs équipes médicales et administratives. Mais  une évaluation précise des dispositifs financés devra être faite avant leur mise en œuvre, centre par centre, par les équipes. Et un travail en aval de suivi au niveau national et au niveau territorial est impératif pour que les bonnes intentions affichées et les  financements soient au rendez vous. L’USMCS y veillera.
 Nous vous invitons à découvrir l’Accord National  lors du congrès des centres de santé les 1er et 2 octobre prochains à Paris. Il sera au cœur des échanges et ce sera pour tous l’occasion de questionner Nicolas Revel, Directeur Général de la CNAMTS qui sera présent.  De nombreux  débats y seront consacrés dont une communication pédagogique le vendredi 2 octobre, l’après midi, animée par la FNCS et la CNAMTS.
Une rentrée santé sous haute tension.
La « loi de santé » rebaptisée « loi de modernisation de notre système de santé » poursuit son parcours législatif. Son adoption est annoncée avant la fin de l’année. Si les syndicats de médecins libéraux n’ont pas modifié leurs  analyses et leurs positionnements, cela nous promet quelques nouvelles actions fortes avant la fin de l’année… Je parierai pour un nouvel appel à la fermeture des cabinets à Noel... A suivre.
Autre front, très préoccupant pour l’offre de santé de proximité, celui ouvert par le rapport Grall. Il annonce les fermetures de 64 services d’urgence qui seront autant de facteurs d’aggravation de l’accès aux soins de tous sur ces territoires. Ceci n’est pas acceptable pour les usagers. Et ce n’est pas la proposition farfelue de remplacement de ces urgences par des centres de "consultations médicales sans urgentiste et sans rendez-vous",  sans lien avec les hôpitaux ni suivi qui palliera leur départ.  Les habitants de ces territoires ont besoin d’accéder à des urgences mais aussi à des généralistes.  Les jeunes médecins ne veulent plus s’installer en libéral là où ils seraient pourtant bien utiles ? Ouvrez des centres de santé, proposez de vrais postes de médecins généralistes, travaillant en équipe, assurant la continuité des soins. (Cf. communiqué de l’USMCS du 1er septembre sur le site ou sur ce blog « Rapport Grall, 67 consultodromes?‏»)
Enfin, pour les centres de santé, la vigilance la plus grande reste  de mise. Avant l’été, nous étions informés d’un projet d’ordonnance visant à modifier la définition des centres de santé dans le Code de Santé Publique. Quelle ne fut pas notre surprise de nous voir proposer une définition restrictive et excessivement exigeante qui exclurait nombre de centres en survie ou en cours de création et les priverait  de financements afférents  au statut centre de santé dont ceux de l’Accord National. Et que dire de la volonté affichée, sous la pression entre autres des ARS,  de réintroduire dans cette même ordonnance une procédure d’agrément pour les centres de santé, à la discrétion des … ARS. Sauf à vouloir généraliser  l’obligation d’agrément  à toutes les structures de santé  susceptibles de bénéficier de financements publics ou de la Sécurité Sociale, maisons de santé compris, nous nous opposons à une mesure administrative de contrôle discriminatoire a priori. Par contre, nous appelons de nos vœux les ARS à vérifier a posteriori que les centres de santé mettent en œuvre leur projet de santé et respectent leurs obligations légales et réglementaires.   

Rendez vous au 55ème congrès national des centres de santé, les 1er et 2octobre 2015 à l’ASIEM, à PARIS.

Le titre du congrès « Les centres de santé, le choix de l’évidence » est clair.
La pertinence des centres de santé et des pratiques de leurs professionnels n’est plus à démontrer. Alors que faire aujourd’hui pour que les centres soient réellement soutenus et  leurs missions pleinement financées ?  Comment assurer leur développement et la mise en œuvre des nombreux projets portés par des promoteurs convaincus et volontaires, projets approuvés par les populations ? Alors que les jeunes et moins  jeunes professionnels de santé aspirent à un exercice en équipe, salarié, coordonné, il y a urgence à créer de nouveaux centres de santé dans un cadre statutaire rénové. Autant de questions urgentes pour tous et d’abord pour les usagers qui seront en débat lors du congrès avec nos partenaires et les représentants des institutions.
Nous vous attendons nombreux lors de ce rendez vous incontournable de la rentrée pour construire ensemble l’avenir des centres de santé. Pour vous inscrire, rien de plus simple : rendez vous sur www.lescentresdesante.com .Le programme et le bulletin d’inscription sont en ligne.
Alors, à très bientôt, au congrès !
Eric May, Président de l'USMCS