Réagir
et agir face au drame
Comment ne pas réagir face au drame qui se joue désormais sous nos yeux ? Les guerres en Syrie, en Irak, en Lybie ont pourtant alimenté ces derniers mois les bulletins d’information, mais dans une indifférence quasi générale il est vrai. Finalement, la question était surtout de savoir si elles allaient avoir des répercussions sur nos économies chancelantes... Mais voilà qu’elles nous ont rattrapés, violemment, interpellant nos consciences, enfin… Les morts, nombreux depuis des années, tombaient à nos frontières, invisibles, ignorés. Ils les ont franchies… Les corps s’échouent, les camions deviennent des corbillards, charniers ambulants, témoins autant de l’ignominie des passeurs que de la real politique assassine des états européens et de leurs dirigeants aux certitudes deux fois ébranlées en quelques mois : la réaction du peuple grec et aujourd’hui, un flot de réfugiés victimes de l’incapacité du monde à agir pour empêcher et stopper des guerres meurtrières.
Comment ne pas réagir face au drame qui se joue désormais sous nos yeux ? Les guerres en Syrie, en Irak, en Lybie ont pourtant alimenté ces derniers mois les bulletins d’information, mais dans une indifférence quasi générale il est vrai. Finalement, la question était surtout de savoir si elles allaient avoir des répercussions sur nos économies chancelantes... Mais voilà qu’elles nous ont rattrapés, violemment, interpellant nos consciences, enfin… Les morts, nombreux depuis des années, tombaient à nos frontières, invisibles, ignorés. Ils les ont franchies… Les corps s’échouent, les camions deviennent des corbillards, charniers ambulants, témoins autant de l’ignominie des passeurs que de la real politique assassine des états européens et de leurs dirigeants aux certitudes deux fois ébranlées en quelques mois : la réaction du peuple grec et aujourd’hui, un flot de réfugiés victimes de l’incapacité du monde à agir pour empêcher et stopper des guerres meurtrières.
Aussi,
nous joignons nos voix de médecins,
de citoyens d’un monde qui ne peut plus fermer les yeux, de femmes et d’hommes
tout simplement, à toutes celles
qui dans un mouvement de solidarité et d’indignation demandent que les milliers
de migrants fuyant les guerres et leurs exactions soient accueillis avec
humanité et dignité en France et dans toute l’Europe. La mise en place d’un réseau
de solidarité européen et international qui réponde aux enjeux humanitaires et
sanitaires de cet exode massif est urgente et les acteurs de la santé
doivent se mobiliser. Les initiatives solidaires s’organisent. Nous, médecins
de centres de santé, en serons. Mais cet élan citoyen ne doit pas exonérer nos
gouvernants et dirigeants français de leur responsabilité à apporter des réponses
politiques dans le respect des valeurs qui ont fondé le pays des droits de l’homme,
et d’abord la première, la fraternité…
Rentrée
interrogative pour les
centres de santé
C’est
donc fait : un nouvel accord national, le deuxième de l’histoire, a été enfin signé entre la CNAMTS et les
organisations gestionnaires des centres de santé début juillet. Il ponctue enfin 12 ans d’attente après
la signature du premier accord en 2003 et après une année de négociations
difficiles. Elles furent même interrompues unilatéralement par la CNAMTS suite
au mouvement des médecins libéraux rejetant en bloc et dans un même élan, les nouvelles rémunérations
forfaitaire des pratiques d’équipe et la loi de santé, dont la mesure phare et
symbolique, la généralisation du tiers payant. Que de temps perdu ! Je
vous renvoie sur ce sujet à nos nombreux communiqués de presse dénonçant l’irresponsabilité
des organisations syndicales libérales, leur corporatisme et leur archaïsme.
Quel
premier bilan tirer de l’accord national alors que sa mise en œuvre ne
sera effective qu’au 1er janvier 2016 et qu’il est annoncé
comme une réponse aux revendications de financements des centres ?
Je
ferai une première observation sur cette nouvelle version : pour succéder à
l’Accord de 2003, nous espérions un dispositif simple et universel qui s’applique
à tous les centres de santé satisfaisant les obligations de la loi et
remplissant les missions de soins de secteur 1 en tiers payant et d’accessibilité
sociale, sans dépenses administratives dispendieuses pour sa mise en œuvre et
pour son suivi, au risque de grever alors son bénéfice financier. Pour le coup,
c’est raté.
Je
salue néanmoins l’opiniâtreté et l’obstination des négociateurs gestionnaires dont la Fédération Nationale des Centres de Santé qui ont
permis de faire de cet accord un
nouvel acte fondateur et de développement des centres de santé. Nous noterons tout de même que de mêmes erreurs ont
été produites en 2015 comme elles l’avaient été en 2013. Espérons qu’elles ne
portent pas préjudice à un accord qui doit être une avancée pour le mouvement
des centres. Citons-en deux :
1.
L’absence
des professionnels de santé des centres
aux négociations alors que de nombreux dispositif, sources de
financements pour les structures, s’appuient sur eux. Ainsi, la transposition
de la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) aux centres de santé, un paiement à la
performance qui ne dit pas son nom,
va amener de fait une évaluation des pratiques des médecins par la
CNAMTS et par les gestionnaires au regard d’indicateurs dont la pertinence médicale
et scientifique reste à démontrer. Et elle va questionner sur la répartition de
ces ressources nouvelles entre professionnels et gestionnaires, en particulier
dans les structures rémunérant leurs médecins à l’activité et non à la
fonction. Les recettes supplémentaires annoncées (pour rappel entre 5000 et 6000 euros/ an en
moyenne pour les médecins généralistes libéraux depuis la mise en œuvre des
ROSP) seront-elles au rendez vous pour les centres et satisferont-elles les attentes
de leurs promoteurs? Un travail réel
(et non une simple consultation) avec les organisations syndicales
professionnelles était nécessaire. Il aurait du être exigé par les gestionnaires des centres pour s’assurer de la
faisabilité et de l’efficacité de cette transposition. C’est une occasion de
rapprochement avec leurs professionnels qu’ils ont ratée.
2.
L’abdication
des gestionnaires face au refus de la CNAMTS d’intégrer dans la négociation la
principale cause de surcout structurel des centres de santé, la pratique du
tiers payant, est, elle, plus problématique. Aujourd’hui, tous s’accordent, la Ministre
de la Santé, la CNAMTS, les professionnels
de santé libéraux, les gestionnaires des centres, à reconnaitre que le tiers payant a un cout significatif. Il
est, en l’état, assumé par ceux qui
le pratiquent, au plus grand bénéfice des organismes payeurs, Assurance Maladie
et assurances complémentaires. Obligatoire pour les centres de santé, il représente
pour eux 10 à 15 % de charges
supplémentaires. La ministre en est consciente : la généralisation du
tiers payant à tous les médecins libéraux et leur adhésion au dispositif ne
seront obtenues que par une simplification des procédures et une garantie d’absence
de cout à le pratiquer. Les injonctions de la Ministre envers la CNAMTS et les assurances complémentaires
à répondre à ces deux problèmes laissent augurer une issue favorable dont les
centres de santé seront les premiers bénéficiaires. Mais dans quel délai ?
Pas avant…. deux ans, si le calendrier est respecté ! Et qu’adviendra-t-il
dans l’intervalle des centres de santé au bord de l’agonie financière alors que
ce surcout est (enfin) reconnu par la Ministre ??? Les gestionnaires de
bonne foi qui se démènent pour maintenir leur centre ou certaines de leurs
activités résisteront ils jusque là ? Et quel argument facile pour les gestionnaires de
mauvaise foi qui attendent la première occasion pour démembrer des structures
dont ils ne veulent pas… L’histoire récente du Centre Municipal de Santé de
Colombes nous le rappelle. Aussi, des mesures conservatoires transitoires finançant
les centres de santé pour leur pratique du tiers payant doivent être exigées
auprès de la Ministre mais aussi de la CNAMTS jusqu’à la généralisation du
dispositif. Ce serait paradoxal et inacceptable que des centres meurent des
conséquences de cette mesure essentielle à l’accès aux soins et à l’accompagnement
social des patients quelques mois avant sa généralisation.
Sinon,
l’Accord National répond il aux revendications des acteurs des centres de santé
telles que nous les avions portées auprès de Madame Touraine en 2012 et 2013 ?
En
dehors du coût du tiers payant si essentiel, la réponse est positive. En synthèse :
·
Les
dispositifs conventionnels de financement des médecins libéraux y ont été
transposés : les ROSP donc mais aussi les forfaits divers (médecin
traitant, personnes âgées,…).
·
La rémunération
des équipes, qui pérennise et généralise
l’expérimentation des Nouveaux Modes de Rémunération devenue règlement arbitral, y est intégrée
dans le cadre d’un dispositif plus global appelé AOC (Accessibilité-Organisation
des Centres de santé). L’AOC définit des engagements socles et des engagements
optionnels ouvrant droits à des rémunérations nouvelles pour les centres de
santé. Une pondération des différents indicateurs servant au calcul des
financements accordés prend en compte la précarité sociale des usagers des
centres. Et il est à souligner que les centres de
santé dentaires et infirmiers bénéficient de l’AOC sous une forme adaptée.
·
Les centres
de santé ont enfin accès à des financements spécifiques dans les territoires médicalement
déficitaires.
·
Et,
nous ne pourrons nous empêcher d’en sourire un peu, des outils de prévention que
nous utilisions déjà pour beaucoup
sont officiellement mis a notre disposition (tests angine, tensiomètres électroniques,
...).
L’Accord
est en première lecture encourageant mais son examen attentif soulève de
nombreux points d’interrogation. Nous y reviendrons plus en détails dans les
semaines à venir mais citons en quelques uns :
·
Dans
les engagements socles figure l’obligation faite aux centres d’être ouverts de
8h à 20h. Sans parler de la pertinence d’une telle exigence, force est de
constater que peu de centres sont dans cette situation. Mais surtout eu égard
aux dépenses à engager pour y répondre et en regard du bénéfice escompté, il
est à craindre que peu de centres le
fassent…Des dérogations seront sans doute accordées à cette règle. Mais par qui ? La
CPAM, l’ARS ? Centre par centre ? Ou territoire par territoire ?
Ces questions exigent des réponses rapides.
·
Bonne
nouvelle, l’AOC va valoriser l’engagement
des centres qui mettront en place les conditions d’accueil et d’encadrement d’étudiants,
en particuliers externes et internes en médecine générales par les médecins
salaries de leurs équipes. Mais rappelons que les problématiques du statut des maitres
de stages universitaires de centres de santé ne sont toujours pas réglées après 2 années de travail entre l’USMCS et le
Ministère. La présence des professionnels aux négociations aurait permis de dépasser
la déclaration d’intention du texte et de valoriser réellement cette mission de
formation médicale initiale que de nombreux médecins de centres de santé font déjà
avec l’accord de leurs gestionnaires, mus pas leur seule conviction.
·
Enfin,
l’accord national précise le cadre réglementaire de la participation des médecins
et chirurgiens dentistes de centres de santé à la Permanence des Soins
Ambulatoires. Mais il ne lève pas les obstacles qui aujourd’hui ne le
permettent pas : cout d’ouverture et de fonctionnement des services
dentaires des centres devant assurer la garde ; modalités de rémunération
des centres et de leurs professionnels de santé, médecins et dentistes, lors de
la PDSA. Il ne permet que le
versement des indemnités de la PDSA aux structures sans préciser le circuit de
facturation des actes et le cadre légal qui s’applique aux praticiens :
activité complémentaire ou intégrée au contrat de travail ? De vraies
négociations doivent s’engager sans tarder entres les organisations
professionnelles et gestionnaires.
Au
final, cet accord national apparait comme une source d’améliorations
potentielles de la situation des centres. Les organisations signataires et la
FNCS en premier doivent en être remerciées. Il participe à la reconnaissance
officielle des missions spécifiques d’accès aux soins des centres et du travail
d’accompagnement social de leurs équipes médicales et administratives. Mais une évaluation précise des dispositifs
financés devra être faite avant leur mise en œuvre, centre par centre, par les équipes.
Et un travail en aval de suivi au niveau national et au niveau territorial est
impératif pour que les bonnes intentions affichées et les financements soient au rendez vous. L’USMCS
y veillera.
Nous vous invitons à découvrir l’Accord
National lors du congrès des centres de santé les 1er et 2 octobre prochains à Paris. Il sera au
cœur des échanges et ce sera pour tous l’occasion de questionner Nicolas Revel,
Directeur Général de la CNAMTS qui sera présent. De nombreux débats
y seront consacrés dont une communication pédagogique le vendredi 2 octobre, l’après
midi, animée par la FNCS et la CNAMTS.
Une
rentrée santé sous haute tension.
La
« loi de santé » rebaptisée « loi de modernisation de notre système
de santé » poursuit son parcours législatif. Son adoption est annoncée
avant la fin de l’année. Si les syndicats de médecins libéraux n’ont pas modifié
leurs analyses et leurs
positionnements, cela nous promet quelques nouvelles actions fortes avant la
fin de l’année… Je parierai pour un nouvel appel à la fermeture des cabinets à
Noel... A suivre.
Autre
front, très préoccupant pour l’offre de santé de proximité, celui ouvert par le
rapport Grall. Il annonce les fermetures de 64 services d’urgence qui seront
autant de facteurs d’aggravation de l’accès aux soins de tous sur ces
territoires. Ceci n’est pas acceptable pour les usagers. Et ce n’est pas la
proposition farfelue de remplacement de ces urgences par des centres de
"consultations médicales sans urgentiste et sans rendez-vous", sans lien avec les hôpitaux ni suivi
qui palliera leur départ. Les
habitants de ces territoires ont besoin d’accéder à des urgences mais aussi à
des généralistes. Les jeunes médecins
ne veulent plus s’installer en libéral là où ils seraient pourtant bien utiles ?
Ouvrez des centres de santé, proposez de vrais postes de médecins généralistes,
travaillant en équipe, assurant la continuité des soins. (Cf. communiqué de l’USMCS du 1er septembre sur le site ou sur ce blog « Rapport Grall, 67
consultodromes?»)
Enfin,
pour les centres de santé, la vigilance la plus grande reste de mise. Avant l’été, nous étions informés
d’un projet d’ordonnance visant à modifier la définition des centres de santé
dans le Code de Santé Publique. Quelle ne fut pas notre surprise de nous voir
proposer une définition restrictive et excessivement exigeante qui exclurait
nombre de centres en survie ou en cours de création et les priverait de financements afférents au statut centre de santé dont ceux de l’Accord
National. Et que dire de la volonté affichée, sous la pression entre autres des
ARS, de réintroduire dans cette même
ordonnance une procédure d’agrément pour les centres de santé, à la discrétion
des … ARS. Sauf à vouloir généraliser
l’obligation d’agrément à
toutes les structures de santé
susceptibles de bénéficier de financements publics ou de la Sécurité
Sociale, maisons de santé compris, nous nous opposons à une mesure
administrative de contrôle discriminatoire a priori. Par contre, nous appelons
de nos vœux les ARS à vérifier a posteriori que les centres de santé mettent en
œuvre leur projet de santé et respectent leurs obligations légales et réglementaires.
Rendez vous au 55ème congrès national des centres de santé, les 1er et 2octobre 2015 à l’ASIEM, à PARIS.
Le
titre du congrès « Les centres de santé, le choix de l’évidence » est
clair.
La
pertinence des centres de santé et des pratiques de leurs professionnels n’est
plus à démontrer. Alors que faire aujourd’hui pour que les centres soient réellement
soutenus et leurs missions
pleinement financées ? Comment
assurer leur développement et la mise en œuvre des nombreux projets portés par
des promoteurs convaincus et volontaires, projets approuvés par les populations
? Alors que les jeunes et moins
jeunes professionnels de santé aspirent à un exercice en équipe, salarié,
coordonné, il y a urgence à créer de nouveaux centres de santé dans un cadre
statutaire rénové. Autant de questions urgentes pour tous et d’abord pour les
usagers qui seront en débat lors du congrès avec nos partenaires et les représentants
des institutions.
Nous
vous attendons nombreux lors de ce rendez vous incontournable de la rentrée pour
construire ensemble l’avenir des centres de santé. Pour vous inscrire, rien de
plus simple : rendez vous sur www.lescentresdesante.com
.Le programme et le bulletin d’inscription sont en ligne.
Alors,
à très bientôt, au congrès !
Eric
May, Président de l'USMCS