mardi 28 avril 2015

Les centres de santé contribuent à réduire les inégalités sociales de santé


LES CENTRES DE SANTE CONTRIBUENT A REDUIRE LES INEGALITES SOCIALES DE SANTE EN PERMETTANT L’ACCES AUX SOINS DES PERSONNES EN SITUATION DE PRECARITE OU DE VULNERABILITE SOCIALE

L’IRDES, en décembre 2014 a publié un document de travail intitulé « Une estimation de la précarité des patients recourant à la médecine générale en centres de santé – le cas des centres de santé de l’étude Epidaure-CDS » de Décembre 2014 (Yann Bourgueil, Anissa Afrita, Julien Mousquès). Résumons ici ce document important et révélateur.
En introduction, les auteurs rappellent combien les inégalités sociales de santé continuent de s’aggraver dans notre pays. Pourtant, si réduire les inégalités de revenus et d’instruction sont des objectifs nécessaires, agir sur le système de santé et les inégalités qu’il engendre semble également important. Pour cela, il faudrait faciliter l’accès aux soins en diminuant les barrières financières en veillant à ce que l’offre de soins soit également disponible et accessible socialement sur tout le territoire national et avec l’absence de pratiques, autorisées et réglementaires ou non, discriminatoires pour cet accès.
Les handicaps s’additionnent pour les couches sociales défavorisées. Les études confirment qu’en terme d’état de santé et d’accès aux soins, la situation est défavorable pour les populations repérées vulnérables ou précaires socialement ou résidant dans des territoires économiquement défavorisés. Ainsi dans ces territoires comme dans les Zones Urbaines Sensibles, l’état de santé des populations est plus mauvais, le renoncement aux soins pour raisons financières plus fréquent, l’offre de soins plus rare et l’accès à une complémentaire santé est moindre.

Ce document de travail reprend l’essentiel des résultats du projet EPIDAURE-CDS porté en 2008-2010 par l’IRDES, la Fédération Nationale des Centres de Santé et le Centre d’examen de Santé du 93.  Cette étude avait voulu analyser les spécificités des Centres de Santé polyvalents en termes d’offres de soins, de consommation de soins, d’accessibilité (notamment pour les personnes en situation de précarité ou de vulnérabilité sociale). Elle a été menée dans 21 CdS volontaires, municipaux ou associatifs, adhérents à la FNCS, répartis dans 11 communes différentes sur le territoire national et correspondant à750.000 habitants.
Ce travail a permis d’étudier les caractéristiques de la population ayant recours aux CdS d’un point de vue sociodémographique mais aussi au regard de leur précarité et/ou de leur vulnérabilité sociale mesurée par le Score Epices, et de comparer les populations ayant recours à la  médecine générale en  CdS à celles ayant recours à la médecine générale sur le territoire national. Cette étude s’appuie sur l’enquête patients du projet Epidaure-CDS et l’Enquête de Santé et Protection Sociale (EPSP) appariée à l’échantillon permanent des assurés sociaux (Epas) de 2008.
A noter que les CdS de l’échantillon sont surtout localisés dans des quartiers ou des communes économiquement défavorisés où les populations cumulent les difficultés économiques, sociales, d’habitat, d’état de santé avec une densité médicale et para médicale moindre. De plus, les territoires d’attraction des CdS couvrent des populations plus défavorisées, comme celles de la commune hébergeante, mais plus défavorisées que celles du département ou de l’ensemble des communes environnantes. L’enquête EPSP est représentative de plus de 96% des ménages résidant en métropole et dont un membre au moins est assuré à l’un des régimes de la Sécurité Sociale.
Les résultats. La comparaison des populations recourant à la médecine générale dans les CdS de cette étude  à celle recourant nationalement à la médecine générale a montré que celles des CdS se distinguaient sur plusieurs chapitres. En termes socio-économiques et démographiques les patients des Cds sont socio économiquement plus défavorisés avec des caractéristiques socio économiques plus défavorables. En terme d’état de santé, les patients des CdS déclarent un état de santé plus dégradé. En terme de précarité sociale (mesurée par score Epices), les patients des CdS ont un niveau de précarité significativement plus élevé. On peut parler de « surprécarité ». Cela surtout chez les non bénéficiaires d’une Assurance Maladie Complémentaire (AMC) et les bénéficiaires de CMUC ou d’une AMC privée. Toutefois les bénéficiaires de CMUC ayant recours aux CdS, s’ils sont plus précaires ne le sont pas significativement.
L’étude a permis de mesurer la propension des CdS à accueillir des populations précaires et vulnérables et aussi d’évaluer le lien entre précarité et niveau de couvertures en termes d’AMC.
En conclusion, l’étude constate que les centres de santé polyvalents, pluridisciplinaires ,portant le plus souvent des actions de santé publique sur le territoire environnant, développant un travail d’équipe, pratiquant Tiers payant et tarifs de secteur 1, possédant des accueils conséquents facilitant l’accompagnement, s’ils sont fréquentés par tous les habitants du territoire de proximité, remplissent les conditions d’une accessibilité facilitée pour les populations défavorisées sur le plan socio-économique.
La « surprécarité » observée chez les bénéficiaires d’une AMC privée laisse penser que l’accessibilité aux soins dans les CdS pourrait être encore améliorée en systématisant la pratique du tiers payant (comme c’est le cas dans beaucoup d’entre eux mais de manière inégale) sur la dépense complémentaire. Par ailleurs, une politique d’accompagnement et d’aide à l’accès à la CMUC ou à l’ACS (Aide à la Complémentaire Santé) plus importante auprès des patients se présentant en CdS pourrait être bénéfique pour ceux-ci.
Voilà l’essentiel de ce que j’ai retenu de ce document de travail dont je vous recommande la lecture, tout autant d’ailleurs que celle du projet EPIDAURE-CDS.
Alain Brémaud
(article paru dans le dernier numéro des Cahiers de Santé Publique et de Protection Social)