LES CENTRES DE SANTE CONTRIBUENT A REDUIRE LES INEGALITES SOCIALES DE SANTE EN PERMETTANT L’ACCES AUX SOINS DES PERSONNES EN SITUATION DE PRECARITE OU DE VULNERABILITE SOCIALE
L’IRDES, en décembre 2014 a publié un
document de travail intitulé « Une
estimation de la précarité des patients recourant à la médecine générale en
centres de santé – le cas des centres de santé de l’étude Epidaure-CDS »
de Décembre 2014 (Yann Bourgueil, Anissa Afrita, Julien Mousquès). Résumons ici
ce document important et révélateur.
En
introduction, les
auteurs rappellent combien les inégalités sociales de santé continuent de
s’aggraver dans notre pays. Pourtant, si réduire les inégalités de revenus et
d’instruction sont des objectifs nécessaires, agir sur le système de santé et
les inégalités qu’il engendre semble également important. Pour cela, il
faudrait faciliter l’accès aux soins en diminuant les barrières financières en
veillant à ce que l’offre de soins soit également disponible et accessible
socialement sur tout le territoire national et avec l’absence de pratiques,
autorisées et réglementaires ou non, discriminatoires pour cet accès.
Les handicaps s’additionnent pour les
couches sociales défavorisées. Les études confirment qu’en terme d’état de
santé et d’accès aux soins, la situation est défavorable pour les populations
repérées vulnérables ou précaires socialement ou résidant dans des territoires
économiquement défavorisés. Ainsi dans ces territoires comme dans les Zones
Urbaines Sensibles, l’état de santé des populations est plus mauvais, le
renoncement aux soins pour raisons financières plus fréquent, l’offre de soins
plus rare et l’accès à une complémentaire santé est moindre.
Ce
document de travail reprend l’essentiel
des résultats du projet
EPIDAURE-CDS porté en 2008-2010
par l’IRDES, la Fédération Nationale des Centres de Santé et le Centre d’examen
de Santé du 93. Cette étude avait
voulu analyser les spécificités des Centres de Santé polyvalents en termes
d’offres de soins, de consommation de soins, d’accessibilité (notamment pour
les personnes en situation de précarité ou de vulnérabilité sociale). Elle a
été menée dans 21 CdS volontaires, municipaux ou associatifs, adhérents à la
FNCS, répartis dans 11 communes différentes sur le territoire national et
correspondant à750.000 habitants.
Ce travail
a permis d’étudier les caractéristiques de la population ayant recours aux CdS
d’un point de vue sociodémographique mais aussi au regard de leur précarité
et/ou de leur vulnérabilité sociale mesurée par le Score Epices, et de comparer
les populations ayant recours à la
médecine générale en CdS à
celles ayant recours à la médecine générale sur le territoire national. Cette
étude s’appuie sur l’enquête patients du projet Epidaure-CDS et l’Enquête de
Santé et Protection Sociale (EPSP) appariée à l’échantillon permanent des
assurés sociaux (Epas) de 2008.
A noter que
les CdS de l’échantillon sont surtout localisés dans des quartiers ou des
communes économiquement défavorisés où les populations cumulent les difficultés
économiques, sociales, d’habitat, d’état de santé avec une densité médicale et
para médicale moindre. De plus, les territoires d’attraction des CdS couvrent
des populations plus défavorisées, comme celles de la commune hébergeante, mais
plus défavorisées que celles du département ou de l’ensemble des communes
environnantes. L’enquête EPSP est représentative de plus de 96% des ménages
résidant en métropole et dont un membre au moins est assuré à l’un des régimes
de la Sécurité Sociale.
Les
résultats. La
comparaison des populations recourant à la médecine générale dans les CdS de
cette étude à celle recourant
nationalement à la médecine générale a montré que celles des CdS se
distinguaient sur plusieurs chapitres. En termes socio-économiques et
démographiques les patients des Cds sont socio économiquement plus défavorisés
avec des caractéristiques socio économiques plus défavorables. En terme d’état
de santé, les patients des CdS déclarent un état de santé plus dégradé. En
terme de précarité sociale (mesurée par score Epices), les patients des CdS ont
un niveau de précarité significativement plus élevé. On peut parler de « surprécarité ».
Cela surtout chez les non bénéficiaires d’une Assurance Maladie Complémentaire
(AMC) et les bénéficiaires de CMUC ou d’une AMC privée. Toutefois les
bénéficiaires de CMUC ayant recours aux CdS, s’ils sont plus précaires ne le
sont pas significativement.
L’étude a permis de mesurer la propension
des CdS à accueillir des populations précaires et vulnérables et aussi
d’évaluer le lien entre précarité et niveau de couvertures en termes d’AMC.
En
conclusion, l’étude
constate que les centres de santé polyvalents, pluridisciplinaires ,portant le
plus souvent des actions de santé publique sur le territoire environnant, développant
un travail d’équipe, pratiquant Tiers payant et tarifs de secteur 1, possédant
des accueils conséquents facilitant l’accompagnement, s’ils sont fréquentés par
tous les habitants du territoire de proximité, remplissent les conditions d’une
accessibilité facilitée pour les populations défavorisées sur le plan
socio-économique.
La « surprécarité » observée
chez les bénéficiaires d’une AMC privée laisse penser que l’accessibilité aux
soins dans les CdS pourrait être encore améliorée en systématisant la pratique
du tiers payant (comme c’est le cas dans beaucoup d’entre eux mais de manière
inégale) sur la dépense complémentaire. Par ailleurs, une politique
d’accompagnement et d’aide à l’accès à la CMUC ou à l’ACS (Aide à la
Complémentaire Santé) plus importante auprès des patients se présentant en CdS
pourrait être bénéfique pour ceux-ci.
Voilà l’essentiel de ce que j’ai retenu
de ce document de travail dont je vous recommande la lecture, tout autant
d’ailleurs que celle du projet EPIDAURE-CDS.
Alain Brémaud
(article
paru dans le dernier numéro des Cahiers de Santé Publique et de Protection
Social)