Ces
premières analyses sont susceptibles - et pour certains éléments il faut
l'espérer - de modifications ou d'enrichissements une fois les négociations et
l'écriture des paragraphes manquants terminées. L'analyse présentée ici prend
en compte les éléments connus au moment où sont publiées ces lignes.
Dans
l’ensemble les différents chapitres de cette partie paraissent pertinents.
Reconnaitre nos caractéristiques, nos efforts de service, d'organisation et de
prise en charge des patients afin de les rémunérer. Mais, une seule réserve de
taille : quelle rémunération ? Le dispositif AOC couvrira-t-il
intégralement ces missions? Ou n’y aura t il que de la reconnaissance symbolique?
Concernant l’ensemble
de l’Accord National, en l'état, celui-ci
appelle de ma part beaucoup plus de réserves :
1- Un bon début qui prend en compte nos
missions et nos qualités.
Sur la
permanence des soins, je note la prudence des rédacteurs et leur ouverture sur
“qui sera rémunéré”: le médecin du
CdS ou le CdS hébergeant.
2- Ensuite, vient l’inquiétude concernant les
engagements obligatoires que doivent prendre les
CdS en signant l’Accord National. Ainsi, les centres s’engagent à prendre les
mesures nécessaires (lesquelles?) pour faire appliquer aux soignants de leurs
CdS les différents points de l’Accord National. Cela après négociation et
signature par les seuls gestionnaires sans négociation ni accord avec les
représentants des soignants, même si la FNCS a la gentillesse de nous demander
notre avis hors de tout cadre officielle.
Or, de
nombreux points engagent notre exercice et notre responsabilité médicale pour
lesquels nous n’avons de comptes à rendre qu’à nos patients et à nos pairs.
Plusieurs exemples, hélas, dans ce texte : le dispositif Sophia,
l’imposition des génériques, les ROSP…
- Le dispositif SOPHIA, mis en
place au forceps et avec une gabegie financière considérable (au détriment
financier d’actions de santé publique efficaces) par l’Assurance Maladie pour
les diabétiques et qui doit être élargi progressivement à toutes les
pathologies chroniques. Ce dispositif décrié, boycotté par nombre de médecins,
dont le principe s’est révélé inefficace dans les études internationales (cf.
avis IRDES), contesté par les spécialistes du diabète, qui fait semblant
d’aider et d’accompagner les patients par quelques coups de téléphone, émis
d’un standard situé à Libourne, tenu par des inconnus pour nos malades âgés.
Quelles pressions répétées faites sur ceux ci pour qu’ils adhèrent à ce système!
Quelle méconnaissance du terrain et de la réalité du dialogue possible et
difficile malade/soignant ainsi que de la prise en charge des patients! Tout
cela étayé par des évaluations bidonnées, organisées par la CNAM elle-même et
ne se satisfaisant comme seul résultat que du nombre d’adhérents... Rien de
scientifique, rien de médical dans tout cela. Beaucoup de dépenses qui auraient
été mieux utilisées par les consultations infirmières pour diabétiques,
efficaces elles.
Surtout,
cette tentative et son élargissement progressif aux autres pathologies
chroniques montrent la détermination de la CNAM d’avoir une gestion imposée des
patients et des maladies par son administration sur ses seuls critères et
expertises, au mépris des connaissances et études médicales et en imposant son
dictat aux soignants avec probablement en arrière pensée, toujours, la maitrise
comptable des dépenses de santé. Le dispositif SOPHIA devrait nationalement
être abandonné sauf à marcher sur la tête. Et en tout cas, il ne peut-être
question qu’il soit imposé aux médecins des CdS, via cet accord. Ceux-ci ont
droit de juger avec leurs patients et les infos objectives qu’ils peuvent leur
apporter de la pertinence ou non à leur déconseiller ce dispositif.... sauf à
laisser faire dorénavant les diagnostics, choix de traitements et suivis des
patients par l’administration de la CNAM et des CPAM! (on pourra lire également
une évaluation 2013 de ce dispositif sur le site atoute.org)
- Les
orientations pour réduire la
prescription d’antibiotiques sans
vrai discernement, sans références aux sociétés savantes et sans tolérer de
modulation des choix thérapeutiques par le médecin traitant en fonction du
patient et du terrain. Mais, maitrise comptable à courte vue oblige....
- l’imposition obligatoire des génériques. Même
observation. Pourquoi ne pas agir directement à la source sur le Comité économique des produits de santé
(CEPS). L’action serait pourtant
plus efficace à ce niveau plutôt que d’accuser successivement patients,
pharmaciens, prescripteurs. Là encore, même démarche et pas de prise en compte
par l’administration autoritaire, aveugle et ignorante de ce que sont les
patients : difficiles ces génériques pour les patients âgés (et les autres)
avec les changements de boites, de comprimés, de couleurs pour ne pas se
tromper dans le suivi de leur traitement ; difficiles ces génériques
équivalents en formules et dosages mais pas en taille, texture et excipients.
- Et bien
sur les ROPS (Rémunération sur Objectifs de Santé Publique) qui relèvent de la même volonté dirigiste de
l'Assurance Maladie. Déjà en 2008, un rapport de l'IGAS était défavorable à ce
type de dispositif de rémunérations des praticiens à la performance, révélant
que les études et expériences montraient que ceux-ci n'avaient aucune
efficacité réelle pour améliorer la qualité des soins ni même pour faire des
économies. Tout cela serait fait sur la base d'objectifs de santé publique et
d'indicateurs décidés par l' Assurance Maladie, objectifs et indicateurs dont,
pour certains, on peut discuter la pertinence : cela a plus à voir avec la
maitrise des dépenses qu'avec la qualité des soins. Encore une fois que
viennent faire de tels points dans l'accord national des centres de santé signé
par l'administration de l'assurance maladie et les représentants des
gestionnaires et promoteurs des centres de santé.
Ces
points mettent en cause l'exercice médical, l’indépendance professionnelle et
l'intérêt des patients.
3. Puis, il est question de maitrise “médicale” des
dépenses de santé et, comme pour étayer mes
constats précédents, on a la surprise de trouver avec et à coté des protocoles
licites de l’HAS et de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament, les
référentiels de prise en charge élaborés par l’Assurance Maladie! Elle serait
donc informatrice non agrée, mais juge et partie.
Par
ailleurs, il faudrait que, dans ce chapitre, soit fait état de nos qualités en
la matière : rappeler la prescription économe déjà pratiquée dans les CdS, la
volonté de l'ensemble des soignants des CdS du juste soin au juste coût, le
taux de passage moins fréquent de leurs patients et les hospitalisations
inutiles moindres.
Des
référentiels de l’Assurance Maladie partout !!!! Quel avenir pour la médecine
efficiente et pour la santé des populations si c’est l’administration financière
qui régente...
4. Les signataires de l’accord national auront désormais seulement 6 mois pour adapter
les nouvelles mesures, applicables aux professionnels libéraux, aux CdS (après discussions et négociations, je
suppose). Bien, mais que se passe-t-il si le délai de 6 mois est passé sans
décision ou application ?
Les CdS
s’engagent à mettre à niveau leurs logiciels pour répondre aux évolutions de la
règlementation (comme le tiers payant intégral) : mais aucun financement prévu?
Le
Contrat de maintenance de l’équipement informatique pour SESAM VITALE : pas de
financement non plus pour ces engagements ?
5. Pour ce qui est de la Commission Paritaire Nationale et de son comité technique, d’abord une boutade : la
section dite professionnelle bénéficie d’un abus de langage et devrait se
nommer section gestionnaire ou promoteur CdS...à moins d’y associer l’USMCS!
Rappelons que si notre document s’appelle Accord National et non Convention,
c’est, je crois, parce que la convention doit être, en droit, négociée et
signée avec les professionnels soignants, comme pour les libéraux.
Enfin,
j’ai bien lu que des sanctions seront
prises à l’encontre des CdS signataires qui ne respecteraient pas les
engagements conventionnels. Et si l’Assurance Maladie ne respecte pas, ou mal,
ou en retard, ses engagements : aucune sanction prévue!
Idem pour
les manquements : Seuls les CdS sont susceptibles de faire des manquements !
AU TOTAL
Quels
nouveaux moyens financiers en regard de nos missions, de nos efforts, des
contraintes, des services rendus, des engagements obligatoires ?
Si j’ai
bien compris et en faisant table rase des moyens financiers autrefois octroyés
dans le précédent accord national, je ne vois que :
-l’AOC mais est-ce assez et où sont les autres mesures? Peut-être me
manque-t-il ici plusieurs éléments.
-la fin des discriminations (la moindre des choses) comme celles concernant nos
patients ALD, mais ceci fait l'objet de toute façon d'un amendement déjà voté
ces jours ci dans le cadre de la Loi de Santé.
-le contrat incitatif d’installation et de maintien mais uniquement dans
certaines zones et dont on ne sait ici, ni les conditions d’attribution, ni les
montants possibles. Est ce signifié ailleurs ou bien est-ce signé d’abord, on verra
après?
Que se
passe-t-il pour un CdS non signataire : que n’a-t-il pas? Quels sont ses droits
et obligations par rapport à ceux qui s’engagent ?
Beaucoup
de pages d’autosatisfaction de l’Assurance Maladie, dont certaines sont
justifiées, à propos de leurs immenses efforts pour nous aider
(organisationnellement et fonctionnellement uniquement, car pas un sou sur ces
points hors l'AOC) au bout de... quelques dizaines d’années pour la pratique du
tiers payant.
Enfin, un
goût amer : je perçois la volonté de s’orienter de
plus en plus vers une médecine, une santé règlementées dans notre pays par des
administratifs et des économistes.
Bel
avenir !!!
Alain
Brémaud