dimanche 19 octobre 2014

Filière universitaire de médecine générale et centres de santé. Une évidence...?

Depuis 2004, la médecine générale est devenue spécialité.
Comme tous les autres spécialistes, les jeunes médecins généralistes qui terminent leurs études sont donc titulaires d’un Diplôme d’études spécialisées (DES). Et, à l’instar de toute discipline universitaire, la médecine générale se dote d’une Filière universitaire de médecine générale (FUMG) destinée à encadrer la formation de ces futurs professionnels et à développer  la recherche en médecine générale.
Les centres de santé ont toute leur part à prendre dans la construction de cette filière.


La FUMG en pratique
Dans chaque subdivision d’internat (territoire correspondant au territoire d’action d’une faculté de médecine), le DES de médecine générale est organisé par un Département universitaire de médecine générale (DUMG).
Le DUMG regroupe les enseignants universitaires de médecine générale (professeurs, maîtres de conférences et chefs de clinique), titulaires ou associés, des enseignants vacataires en médecine générale et des maîtres de stage universitaires.
Les enseignants  universitaires de médecine générale exercent une part d’activité clinique (de 50 à 75 % en fonction de leur statut) et une part d’activité universitaire (enseignement et recherche). Plusieurs d’entre eux exercent leur part d’activité clinique en centres de santé.

La maîtrise de stage …
Les Maîtres de Stage Universitaires (MSU) en médecine générale sont des médecins qui encadrent des étudiants en médecine pour des stages d’une durée variable.
Ces médecins sont préalablement formés à la maîtrise de stage. Ces formations pédagogiques sont développées par le Collège National des Généralistes Enseignants. Il s’agit de formations du dispositif de DPC (développement professionnel continu) mais ce sont des formations dites « hors quota ». Il est ainsi possible de se former à la maîtrise de stage en plus des formations DPC classiques.

Après s’être formé, le candidat MSU demande son agrément à la Faculté de médecine de son choix. L’agrément est prononcé par le doyen de la Faculté et validé par l’Agence régionale de santé (ARS).

L’agrément peut concerner l’une ou la totalité des trois niveaux de stage existant actuellement en médecine générale.

Le stage de deuxième cycle est réalisé entre la 4ème et la 6ème année des études médicales. Ce stage de trois mois, indispensable notamment pour éclairer le choix des étudiants quant à leur future spécialité, a été rendu obligatoire par la loi en 1997. Malheureusement, il n’est actuellement pas réalisé  par l’ensemble des étudiants de deuxième cycle, soit pour des problèmes de volonté politique locale soit par manque de MSU.

Le stage chez le praticien (ou stage de niveau 1) concerne les internes de médecine générale qui doivent le réaliser entre le 2ème et le 4ème semestre de leur internat. Ce stage de six mois permet à chaque interne de passer chez deux à trois MSU. Il comporte une phase d’observation active, une phase de supervision directe de l’interne par le MSU, puis une phase de mise en autonomie avec supervision indirecte.
Le SASPAS (Stage autonome en soins primaires ambulatoires supervisé) est un stage professionnalisant réalisé par les internes au cours de leur dernier internat. Il n’est pas obligatoire mais pourrait le devenir dans un futur proche. Ce stage est lui-aussi organisé autour d’un binôme ou d’un trinôme de MSU. Les internes consultent en autonomie et sont supervisés en fin de vacation par leur MSU.

… en centre de santé …
Les centres de santé sont déjà impliqués dans la maîtrise de stage, pour certains depuis de nombreuses années.
Les stages en centres de santé permettent de faire découvrir l’exercice salarié de la médecine générale, bien souvent méconnue des étudiants. Au-delà de la formation à l’exercice classique de la médecine générale, ils sont le lieu idéal pour former les étudiants à l’exercice pluri-professionnel  ou à la mise en place d’actions de santé publique, et donc aux évolutions actuelles du métier de médecin généraliste.
La maîtrise de stage en centres de santé se heurte actuellement à deux écueils majeurs.
Le premier est le mode de rémunération des MSU. En effet, les MSU sont rémunérés par la Faculté de médecine sous forme d’honoraires pédagogiques. Pour toucher des honoraires, le MSU doit disposer d’un numéro de SIRET et doit donc se déclarer comme auto-entrepreneur (en tant que formateur indépendant). Cette formalité n’est pas très complexe mais pourrait être supprimée si les MSU en centres de de santé étaient salariés des Facultés de médecine. Les représentants des centres de santé sont en discussion sur ce sujet avec le Ministère depuis plusieurs mois et ces discussions devraient aboutir très prochainement à la possibilité pour les médecins des centres de santé, d’être salariés pour leurs activités pédagogiques.

Le deuxième est la non-reconnaissance du centre de santé en tant que structure de formation. Seul le MSU est agréé, pas le centre de santé. Pourtant, certains centres de santé ont déjà écrit un projet pédagogique ou proposé des accueils conjoints entre plusieurs MSU d’un même centre de santé. Là encore, des réflexions sont en cours pour permettre aux centres de santé d’accueillir en son nom des étudiants et d’organiser en interne le parcours pédagogique des étudiants, sous forme d’un projet pédagogique formalisé.

La recherche en soins primaires et les centres de santé
Les centres de santé sont également des lieux privilégiés pour développer des projets de recherche en soins primaires. D’ailleurs, depuis cette année, un centre de santé peut-être porteur d’un PARC (Programme ambulatoire de recherche clinique), projets de recherche financés par les pouvoirs publics. 
Trois types de projets de recherche peuvent être rapidement menés par les centres de santé :
·       les projets de recherche autour de l’exploitation des systèmes d’information des centres de santé, déjà bien développés ;
·    les projets de recherche autour de la coopération interprofessionnelle sous forme d’études d’intervention comprenant rédaction, mise en place et évaluation des protocoles coopération ;
·       les projets de recherche autour des actions de santé publique, là-aussi sous forme d’études d’intervention.
Ces projets de recherche peuvent se faire en lien avec les DUMG et impliquer des internes de médecine générale dans le cadre de la réalisation de leur thèse de médecine générale.

En conclusion
Les centres de santé possèdent de nombreux atouts pour devenir de véritables lieux de formation universitaire.
Plusieurs adaptations réglementaires sont nécessaires pour favoriser leur investissement, notamment autour de la maîtrise de stage,
Le partenaire privilégié du centre de santé, afin de mettre en place la maîtrise de stage et de participer au développement de projets de recherche est le DUMG de son territoire.

Yannick Ruelle
Médecin généraliste en Centre municipal de Santé à Pantin (93)
Maître de conférences associé en médecine générale
Directeur du DUMG de Paris 13 (Bobigny)