mardi 20 septembre 2016

Un nouveau cadre réglementaire pour les centres de santé

Facilitateurs de l'accès aux soins et de l'accessibilité sociale pour tous, acteurs de santé publique et de promotion de la santé pour les populations des territoires les environnant, les centres de santé répondent aux souhaits d'organisation de la santé, ainsi qu'aux besoins,  pour l'ensemble des acteurs concernés par ces problématiques dans notre pays : populations, usagers, professionnels soignants et pouvoirs publics.
Malgré leur potentiel, leur attrait, leur efficience, nombre d'entre eux sont en difficulté pour développer leurs missions auprès des populations ou seulement les maintenir voire continuer d'exister. Raison principale : les coûts des missions des centres restent toujours incomplètement et imparfaitement pris en compte. Le cadre réglementaire actuel ne permet absolument pas l’adéquation entre besoins et réalités. Il faut mettre en place au niveau national un nouveau cadre réglementaire et économique des centres : celui d'Etablissement Public de Santé Ambulatoire.
Ce pourrait être pour les structures le souhaitant dans un premier temps le statut de Société coopérative d'Intérêt collectif, étape vers le statut national, à créer, que nous appelons de nos vœux.
A. LES CENTRES DE SANTE, ACTEURS RECONNUS DANS LES DOMAINES DU SOIN,  DE LA SANTE PUBLIQUE, DE L'ACCESSIBILITE SOCIALE, DE L'ORGANISATION ET LA COORDINATION, DE LA FORMATION
1. Pour les usagers de santé et la population générale
Ils contribuent à réduire les inégalités sociales de santé, ainsi que les inégalités territoriales de réponses aux besoins. Ils permettent l'accès aux soins par les mesures pratiquées en termes d'accessibilité sociale: tarifs conventionnels, tiers payant pour tous, prise en charge des bénéficiaires de la CMU, l'AME, etc... Les usagers sont au centre de leurs préoccupations, les sécurisant, les accompagnant pour leur parcours de soins, leur proposant sur le plan sanitaire une unité de lieu, une équipe pluridisciplinaire, un plateau technique, une coordination des soins et un travail d'équipe, des prestations non polluées en qualité par le paiement à l'acte.
2. Pour les pouvoirs publics
Ils répondent aux critères de modernité qui prévalent désormais en termes de coordination des soins, de pluridisciplinarité, de dossier médical commun, de formation médicale initiale et continue, d'organisation d'actions de santé publique dans et hors les murs, de prise en charge des maladies chroniques,…
Le salariat des soignants, rémunérés à la fonction et non à l'acte, permet d'éviter toute dérive productiviste, de garantir le juste soin au juste coût.
3. Pour les professionnels soignants
Ceux-ci apprécient l'exercice regroupé, le travail d'équipe, les conditions de travail. Ils bénéficient du salariat. Ils peuvent optimiser leur temps d'activité privilégiant le temps médical grâce aux coopérations avec les équipes administratives et sociales. Celles-ci, avec le praticien et les équipes paramédicales permettent une prise en charge globale des patients et une organisation sanitaire rationnelle.
B. DIFFICULTES  DES CENTRES DE SANTE ET DE LEURS PROMOTEURS
1. Difficultés financières
Le nouvel Accord National, bien qu’amélioré par rapport au précédent, laisse nombre des problèmes budgétaires que rencontrent les centres non réglés et  trop de missions ou d'éléments ne sont pas pris en compte. Par exemple :
- pratique du tiers payant sécurité sociale et complémentaire qui continuera à représenter un coût important malgré la généralisation et la simplification à venir du seul tiers payant assurances maladies,
- contraintes économiques d'un établissement de soins,
- coût des équipes administratives participant à l'accueil, l'accompagnement et la gestion du tiers payant,
- coût du risque d'impayés
- surcoût de la prise en charge de populations en difficultés (sociale, culturelle, langue)
- financements non pérennes des actions de Santé Publique

2. Pourtant les centres répondent aux besoins de santé
Malgré les menaces financières et les difficultés non réglées qui amènent certains gestionnaires à reconsidérer leur implication financière, de nombreux centres voient le jour, en particulier en province, dans des cités de petite, moyenne ou grande taille. Afin de faire face aux déserts médicaux qui s’étendent, de prendre en compte les souhaits des nouvelles générations de médecins (exercice regroupé, salariat, travail d'équipe) de nouveaux promoteurs sont à l'initiative de la création de ces nouvelles structures : municipalités de toutes couleurs, collectifs de médecins, hôpitaux de proximité. Des besoins émergent sur l'ensemble du territoire.
3. Difficultés réglementaires
Même si toutes les revendications budgétaires étaient satisfaites, les centres représenteraient un cout structurel pour les promoteurs qui le géreraient. Il faut donc un cadre qui permette l'association de plusieurs promoteurs sur un territoire donné pour partager les couts restants et les responsabilités.
Il faut faire cesser cette situation ou des promoteurs ouvrent ou ferment des cds selon leurs envies, leurs choix politiques ou leurs alliances. Peut-être serait-il bon de substituer à ces critères l'intérêt général des populations d'un territoire et de s'attacher à la démocratie sanitaire.
C. QU'ATTENDRE D'UN NOUVEAU CADRE REGLEMENTAIRE ?
Qui peut ou doit créer un centre? Quand? Où? Avec qui? Sur quel territoire?
Il faut:
1. définir qui peut ou qui doit promouvoir un centre de santé dans un territoire donné pour répondre aux besoins de santé des populations de ce territoire,
2. prévoir une carte sanitaire et envisager des conditions et une procédure d'agrément, pour créer un centre, qui ouvrent droit à des financements (critères territoriaux sanitaires et sociaux, critères d'objectifs et projets, critères d'évaluation,...)
3. créer un nouveau modèle économique et organisationnel mettant en adéquation statut, missions et financements des centres. Celui-ci devra :
- encourager plusieurs promoteurs concernés par un territoire  à être copilotes et à cogérer la création et le fonctionnement d'un centre(ce pourrait-être des municipalités, mutuelles, associations, hôpitaux de proximité, ainsi que le département, la région, l'ARS,...). Il s'agit de partager le pouvoir  pour partager les couts.
- définir les conditions de créations des futurs centres selon les besoins, faisant cesser la situation actuelle qui fait dépendre l'existence des centres de choix aléatoires et temporaires sans empêcher les fermetures intempestives.  On ne peut faire reposer un système sanitaire sur de la bonne volonté éventuelle.
- créer un statut pour les professionnels exerçant dans les centres sur l'ensemble du territoire national s'appuyant sur le salariat à la fonction et mettant fin à la situation hétéroclite actuelle.
- mettre en place une nouvelle gouvernance pour les centres de santé prenant en compte la démocratie sanitaire. La gouvernance d'un centre devra comprendre les différents promoteurs et financeurs, les représentants des usagers la direction médicale associée à la direction administrative, les représentants des personnels soignants et non soignants.
D. QUELLES PISTES CONCRETES MAINTENANT ? QUELS CADRES JURIDIQUES POSSIBLES?
Toute cette réflexion pourrait paraitre du domaine de l'utopie. C'était d'ailleurs le cas il y a plus de quinze ans. Mais depuis les esprits, les besoins, les réglementations ont évolué et de plus en plus nombreux sont ceux qui pensent que cette évolution est nécessaire et possible. Restent à trouver les modalités juridiques concrétisables. Nous nous y sommes attelés depuis plusieurs années à l'Union Syndicale des Médecins de Centres de Santé, prenant des avis auprès de personnes compétentes.
Lors du 55e congrès des Centres de Santé nous avions sollicité sur cette question la présidente de la commission sanitaire et sociale à l'Assemblée Nationale, le président du conseil de l'Ordre des Médecins et le directeur de la DGOS.  A ce dernier, nous avions demandé qu'un travail dans ce sens soit initié dans le groupe de réflexion permanente des centres de santé associant DGOS, promoteurs et syndicats de soignants des centres de santé. Il avait acté notre proposition; Nous verrons au 56e congrès si les choses avancent.
Cela d'autant que des expériences se font jour qui vont dans ce sens et qui seront évoquées lors du congrès. Ainsi la transformation de centres de santé (ou la création) en centres coopératifs sous forme de Société Coopérative d'Intérêt Collectif. Cette piste juridique est intéressante car elle constitue une avancée importante correspondant à notre démarche. Toutefois elle ne satisfait pas l'ensemble des items évoqués plus haut mais permet un progrès dans un cadre juridique relativement simple à mettre en place.
Cela peut représenter une étape vers le statut d'établissement public de santé ambulatoire plus difficile à négocier mais qui serait un statut national avec toutes les conséquences sur l'organisation sanitaire, la carte sanitaire, la gouvernance, le statut des professionnels,...
Dans tous les cas cette démarche est porteuse d'espoirs qui ne doivent pas nous faire oublier les risques, les difficultés, les contraintes que nous aurons à surmonter dans la diversité de l'imbroglio juridique. Il nous faudra tenir compte des (bonnes ou mauvaises) volontés gouvernementales, des réticences libérales et des appréhensions mitigées des élus de toutes catégories.
Alain Brémaud