mercredi 5 novembre 2014

IVG médicamenteuse en centre de santé... pas si simple

Une jeune femme pousse la lourde porte du centre municipal de santé, elle semble un peu égarée et effrayée. Elle s’approche du bureau en demi cercle où l’on peut lire : « pré-accueil ».
- Bonjour madame vous cherchez quelque chose ? lui demande la secrétaire.
- Heu, on m’a dit que je pouvais voir une infirmière…

-C’est au fond de la salle… mais c’est pourquoi ?

La femme est déjà partie, elle traverse la salle d’attente et sonne à la porte de l’infirmerie. Une infirmière lui ouvre.

-Est-ce que je peux rentrer

-bien sur

-Je suis enceinte et une copine m’a dit que vous faisiez des IVG ici…

-Attendez, on va se mettre dans un coin et vous allez me raconter...puis il faudra voir un médecin pour qu’il vous fasse des ordonnances et déclare le début du délai de réflexion, je vais tout vous expliquer…



04/07/2001 les IVG Médicamenteuses sont autorisées en médecine de ville.

06/05/2009 un décret autorise les IVG Médicamenteuses en Centres de Santé

2009 : Démarrage des ENMR

2010 : Les centres municipaux de CHAMPIGNY décident d’élaborer un protocole de coopération professionnelle qui concernera les demandes d’IVG.

Toutes les infirmières de CHAMPIGNY ainsi que 2 généralistes ayant DU de Gynécologie suivent la formation REVHO (Réseau Ville Hôpital pour l’Orthogénie) afin de pratiquer des IVG Médicamenteuses. Une convention est passée avec l’hôpital de secteur.

07/10/2010 : Présentation de l’ébauche du protocole de coopération médecins-infirmières intitulé : « Consultation Infirmière d’accueil, d’information et d’orientation des femmes désirant une interruption volontaire de grossesse. » lors du 50ème congrès des centres de santé

30/09/2011 : Nouvelle présentation au 51ème congrès des Centres de Santé du protocole de coopération.  Après 3 modifications de la trame de l’ARS pour les protocoles de Coopération, la fabrication d’une multitude d’Indicateurs, de nombreuses heures de travail pour la direction médicale, les gynécologues et les infirmières, nous adressons notre protocole à l’ARS fin 2012.

Avis de réception de l’ARS en Janvier 2013 qui va l’adresser à la HAS pour avis.

Un coup de téléphone de la HAS été 2013…un autre été 2014.


Mercredi 15/10/2014 : Avis défavorable de notre protocole de coopération

Recherche d’explication auprès de la HAS :

 « Bonjour L'avis défavorable de la HAS est basé uniquement sur un hiatus  juridique ; Ci joint l'article L 4011-1 qui autorise la dérogation à une série d'articles du code de la santé publique  dont la liste est jointe mais qui n'a pas intégré l'article L2212-1 concernant l'IVG qui impose une consultation médicale. Le juridique a primé sur l'expertise de la qualité du protocole.

ArticleL.4011-1 du code de la santé publique
Créé par la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 (art. 51, loi HPST)
-
« Par dérogation aux articles L. 1132-1, L. 4111-1, L. 4161-1, L. 4161-3, L. 4161-5, L. 4221-1, L. 4311-1, L. 4321-1, L. 4322-1, L. 4331-1, L. 4332-1, L. 4341-1, L. 4342-1, L. 4351-1, L. 4361-1, L. 4362-1, L. 4364-1 et L. 4371-1, les professionnels de santé peuvent s'engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération ayant pour objet d'opérer entre eux des transferts d'activités ou d'actes de soins ou de réorganiser leurs modes d'intervention auprès du patient. Ils interviennent dans les limites de leurs connaissances et de leur expérience ainsi que dans le cadre des protocoles définis aux articles L. 4011-2 et L. 4011-3.
Le patient est informé, par les professionnels de santé, de cet engagement dans un protocole impliquant d'autres professionnels de santé dans une démarche de coopération interdisciplinaire impliquant des transferts d'activités ou d'actes de soins ou de réorganisation de leurs modes d'intervention auprès de lui. »

A votre disposition pour en parler
Très cordialement »

Octobre 2014 : Dans le projet de loi santé 2015, les sages-femmes seraient autorisées à pratiquer des IVG Médicamenteuses.



EPILOGUE : En décembre 2014

Une jeune femme pousse la lourde porte du centre municipal de santé, elle semble un peu égarée et effrayée. Elle s’approche du bureau en demi cercle où l’on peut lire : « pré-accueil ».

-Bonjour madame vous cherchez quelque chose ? lui demande la secrétaire.

-Heu, on m’a dit que je pouvais voir une infirmière…

-C’est au fond de la salle… mais c’est pourquoi ?

La femme est déjà partie, elle traverse la salle d’attente et sonne à la porte de l’infirmerie. Une infirmière lui ouvre.

-Est-ce que je peux rentrer

-bien sur

-Je suis enceinte et une copine m’a dit que vous faisiez des IVG ici…

-Attendez, on va se mettre dans un coin et vous allez me raconter...puis il faudra voir un médecin pour qu’il vous fasse des ordonnances et déclare le début du délai de réflexion, je vais tout vous expliquer…



CONCLUSION : Cinq années n’ont rien changé à l’hypocrisie actuelle qui veut que les infirmières remplissent dans les centres un rôle essentiel auprès du public sans aucune reconnaissance des autorités de santé.

En ce qui concerne les femmes désireuses d’avorter, le temps perdu à trouver un médecin voulant les prendre en charge continuera à engendrer des délais révolus et un excès d’IVG chirurgicale.



Denis SOLETCHNIK

Centre municipal de santé de Champigny