Sans oublier que le contexte économique et social est particulièrement inquiétant à l’aube de cette rentrée, notons que quelques lueurs d’espoir semblent poindre pour les centres de santé, pour leurs équipes et pour leurs usagers …
En effet, le rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales sur les centres de santé est
enfin paru, en plein cœur de l’été, mi juillet.
Rappelons sa genèse : dans le contexte de difficultés
financières toujours plus importantes que connaissent tous les centres,
l’USMCS et tous les acteurs des centres appellent les autorités depuis des
années à la mise en œuvre de mesures économiques, conservatoires pour préserver
les centres mais aussi pour aider au développement de nouvelles structures dans
les déserts médicaux. En réponse à
notre appel, Madame Marisol Touraine, Ministre de la Santé, a fait annoncer en octobre 2012 lors
du 52ème Congrès National des
Centres de Santé qu’elle missionnait l’IGAS pour évaluer la place des centres de santé dans l’offre de
soins et leur situation économique. Témoignage de la complexité de l’étude mais
aussi de la rigueur des inspecteurs qui en avaient la charge, la durée de la
mission aura été finalement plus longue de 5 mois que prévu.
Difficile attente néanmoins
pour ceux qui nombreux dans les centres voient leurs activités menacées chaque jour quand ce n’est pas la
pérennité de leurs structures même qui l’est.
Ce rapport était en effet
devenu au fil des mois l’élément d’analyse manquant, la clef attendue de toute
réflexion constructive, sans lequel aucune négociation réelle avec le Ministère
ou la CNAMTS ne pouvait débuter et aucune décision ne pouvait être prise.
Aujourd’hui, le rapport est
bien là et c’est une heureuse surprise !
Sérieux et exhaustif, il dresse
un panorama fidèle du mouvement des centres de santé et pose un diagnostic sur
les difficultés économiques des centres qui est partagé par tous les acteurs
des centres gestionnaires et professionnels qui y exercent. Mieux, il affirme
que ces difficultés ne peuvent être résolues par la seule rigueur de gestion
(adoptée par la majorité des centres, NDLR) ! Comment résumez mieux que ne le font ses rédacteurs, la
contradiction originelle entre les missions de service public des centres de
santé inscrites dans le Code de Santé Publique, et l’absence de financement de
ses missions : « Si les efforts de gestion ne suffisent pas c’est
parce que le modèle économique des centres est structurellement boiteux » est
il écrit !
Et à ceux qui mal informés ou
de mauvaise foi tentaient encore de la contester, le rapport confirme la
pertinence des centres de santé et de leurs pratiques d’équipes !
Enfin, contribution essentielle, les
rédacteurs du rapport recommandent 20 préconisations à mettre en œuvre entre
2013 et 2014 pour conforter les centres de santé. Là encore, c’est avec
satisfaction que nous constatons qu’elles tiennent compte d’une grande partie des
analyses et revendications de l’USMCS. En particulier, les propositions 13 et
14 font écho à notre demande de financement des couts structurels liés à notre
mission d’accessibilité sociale (tiers payant, dispense totale d’avance de
frais, accompagnement social) et à
celui de la coordination des soins, bien insuffisamment soutenue par l’option
de coordination de l’Accord National.
Cependant, rien ne permet
aujourd’hui d’affirmer que ces préconisations seront suivies. Et elles restent
pour beaucoup d’entre elles à être précisées en totale concertation avec tous
les représentants des centres de santé. La balle est donc dans le camp de
Madame la Ministre ! Espérons qu’elle s en saisisse ! Aussi, l’USMCS
a t elle demandé à Madame Marisol Touraine l’ouverture sans tarder de la
concertation nécessaire pour la mise en œuvre des préconisations du rapport
dans le respect du calendrier proposé (Communiqué du 3 septembre que vous
retrouverez dans ces pages).
Evidemment, le rapport de
l’IGAS est pour nous une étape, essentielle mais qui ne répond pas à toutes les
questions qui restent posées : celles sur le soutien indispensable à
apporter aux créations de centres de santé dans les territoires
désertifiés ; celles sur la place qui sera réservée aux centres dans la Stratégie
Nationale de Santé et dans le
cadre du service public territorial de santé annoncé par Mme Touraine. Et il ne
propose pas de nouveaux modèles économiques et institutionnels que nous
appelons de nos vœux, seuls en mesure d’assurer le développement de centres
de santé sur tout le territoire pour y assurer l’accès aux soins de qualité
pour tous.
Le rapport n’est pas non plus
exempt de quelques limites et critiques. La principale est sans doute l’absence
d’évaluation du bénéfice des pratiques sociales et d’équipe pour les usagers en
termes de qualité des soins mais aussi pour la solidarité nationale,
l’Assurance Maladie, en termes d’efficacité médico-économique. Il est vrai que ce thème n’était pas inscrit dans la lettre de mission
de Mme la Ministre… Par ailleurs,
les références nombreuses au modèle économique des centres prôné par la
Mutualité nous feraient sourire si ce modèle imaginé par le cabinet de
consulting privé COACTIS n’était aussi toxique et mortifère, témoignant d’une
ignorance totale (du mépris ?) de la part de ses concepteurs et de ses commanditaires, des exigences
d’une médecine moderne, humaniste et de qualité répondant aux besoins des
populations. Comment porter crédit
à un modèle économique qui ôte tout sens aux structures et qui repose sur le
productivisme médical forcené et inflationniste aux dépens de la santé des
usagers et sur le dos de… la sécurité sociale ?
Le rapport de l’IGAS - les
espoirs qu’il soulève, les questions qu’il suscite- sera au cœur des échanges du 53ème Congrès
National des Centres de Santé qui se tiendra les 3 et 4 octobre 2013 à l’Asiem,
6 bis rue Albert de Lapparent à Paris, 7eme . Et son thème sera en prise
directe avec l‘actualité : « les
déserts médicaux, la réponse des centres de santé ». Je vous invite
tous à nous y rejoindre pour participer aux débats qui se succèderont pendant
ces deux jours, nombreux et divers. Vous trouverez dans les pages de ce journal
de rentrée le programme définitif du congrès et les modalités d’inscription.
Et tout en restant plus que
jamais vigilants, exigeons tous ensemble la mise en application des
préconisations du rapport IGAS!
Eric May