mercredi 13 juin 2012

Paiement à la performance, il ne passera pas par nous

La fonction de la médecine est de soigner la maladie, voire de participer à la prévenir lorsque cela est possible. En attendant la mort, comme le disait si bien Desproges.
Les centres de santé, mode d'organisation des professionnels médicaux et paramédicaux de premier recours sont une des façons d'exercer la médecine. La plus pertinente de mon point de vue. C'était pour une large part une impression, un vécu, un postulat, voire encore un principe politique. Les faits commencent à en prouver la pertinence.
La rémunération des centres de santé a pour fonction de financer le service rendu.
Quel est le service rendu ? Soigner, éduquer, prévenir, s'inscrire dans une action sociale.
Ces missions sont des missions de service public, comme les services de lutte contre l'incendie, la défense nationale, l'éducation et d'autres.
Ces missions et leurs financements doivent être définis dans le cadre de débats publics et démocratiques locaux, régionaux et nationaux prenant en compte la nature des services rendus et les possibilités budgétaires à mettre en regard.
Il s'agit donc de financer des missions de service public territorial.
Le paiement à l'acte a fait la preuve de son inefficacité pour réguler les dépenses et de sa nocivité sur la qualité du service rendu. Même Marisol Touraine a admis que les hôpitaux publics doivent bénéficier de plus de financement pour leurs missions (interview à Médiapart en avril 2012).
Selon moi, les acteurs des centres de santé sont légitimes à demander un financement public des centres de santé, basé sur les missions à remplir au niveau d'un territoire.


Venons en au paiement dit "à la performance".
Toute autre performance que l'amélioration de l'état de santé des patients assortie d'une diminution prouvée de la morbidité et de la mortalité ne mérite même pas d'être regardée.
Il y a bien longtemps que les plus avisés d'entre nous n'écoutent plus les marchands d'illusions qui vantent telle ou telle thérapeutique, telle méthode diagnostique non éprouvée. Avec le recul, nous n'avons pas eu à le regretter. Ce qui pouvait passer pour du dogmatisme (le refus de prescrire de l'Isoméride et plus tard du Médiator par exemple) apparaît désormais comme de la clairvoyance.

Nous n'écouterons pas les marchands d'illusions qui voudraient nous vendre le paiement à l'indicateur.
Nous ne discuterons surtout pas de la nature de l'indicateur ou de la meilleure façon de le mesurer. Ce serait perdre la tête dans un raisonnement fautif. Céder à la dictature d'une bureaucratie déclinante avançant masquée derrière la "performance". Céder à la dictature d'une "indicateurocratie" arrogante.
Et pourquoi ce raisonnement serait-il fautif ? Tout simplement parce que depuis tant d'années, jamais aucun début de commencement d'un résultat n'est venu laisser penser que la rémunération selon des indicateurs était susceptible d'améliorer la santé des patients. C'est même le contraire que l'on trouve dans la littérature internationale.

Le paiement dit "à la performance" est nuisible.
Il s'est déjà installé dans les maisons de santé. C'est la conséquence directe de la convention de la médecine libérale qui l'instaure de fait pour tous les médecins libéraux.
Luttons jusqu'à notre dernier souffle pour qu'il ne franchisse pas celle des centres de santé. Refusons de ramer. Une politique est en cours dans les maisons de santé ? Soit. Mettons en place une autre politique dans les centres de santé.
On comparera.
Alain BEAUPIN