La thématique du Tiers Payant s’est
imposée d’elle-même cette année au Congrès, compte tenu de sa brûlante
actualité. En effet, la Loi de modernisation de notre système de santé adoptée en janvier 2016 prévoit
de généraliser cette pratique à
tous les professionnels de santé libéraux à compter de 2017. Les
représentants des centres de santé s’en sont félicités. Outre l’amélioration
attendue en matière d’accès aux soins, cette extension du tiers-payant à de
nouveaux acteurs impose enfin aux organismes de sécurité sociale et aux
complémentaires d’améliorer un système dont la gestion est lourde et coûteuse pour
les gestionnaires de Centres de Santé.
L’objectif de ce temps
d’échange était double : d’une part, permettre aux acteurs des
centres de santé d’obtenir toutes les informations utiles sur les évolutions
qui sont en cours ou qui interviendront dans un futur proche. D’autre part, nous
assurer, que les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui dans la pratique
quotidienne et massive du tiers-payant (TP), sont bien prises en compte par les
pilotes qui sont aux commandes de cette généralisation, invités de la
table-ronde.
Tout d’abord, la volonté intacte du
Ministère de mener cette réforme à bien, avec la mise en place d’un comité de pilotage
rassemblant tous les acteurs. François Godineau, Adjoint au Directeur de la
DSS, a rappelé que l’avance de frais constitue un frein à l’accès aux
soins, pouvant concerner jusqu’à 1/3 des Français selon certaines études.
Les étapes prévues pour la
généralisation du tiers-payant sont les suivantes : le tiers payant sur la
part remboursée par la sécurité sociale sera possible pour tous les assurés à
compter du 1er janvier 2017, et rendu obligatoire le 30 novembre
2017. Toutefois, Mr Godineau a confirmé qu’aucune sanction n’est prévue, le
Ministère comptant sur l’incitation, la pédagogie et l’amélioration technique
pour assurer le déploiement du tiers payant.
Les garanties accordées aux
professionnels de santé sont un point clé du dispositif : garantie de
paiement dès lors que la FSE a été faite avec la carte vitale, délai maximal de
paiement à 7 jours et mécanisme de pénalité en cas de non-respect.
Enfin, le tiers payant est déjà
pratiqué par certaines professions de santé : il concerne environ 40 % des
actes pour les généralistes (secteur 1), et monte à 98.2% des actes pour les
infirmiers et les laboratoires. En revanche, il ne représente que 25.5% des
actes facturés par les chirurgiens-dentistes.
Du côté des centres de santé, cette
table-ronde a été l’occasion de dresser un état des lieux. Agnès Borgia,
Directrice Générale de l’association AGECSA, gestionnaire des Centres de santé
de Grenoble, a ainsi listé les points noirs du TP :
- Des
fragilités internes, que l’on retrouve dans de nombreux centres de santé :
diversité des pratiques / manque de formation continue des secrétariats, manque
de temps pour vérifier et décrypter les droits, manque de formation des
médecins sur la codification des actes, logiciels de facturation pas optimals.
- Pour le
volet Régime Obligatoire : disparité des traitements de rejet suivant les
caisses, faible impact de la PUMa (Protection Universelle Maladie) à ce jour en terme de diminution de
rejets, contrairement à ce qui avait été espéré, problème récurrent
d’information sur le médecin traitant, notamment lorsqu’il a été déclaré en
centre de santé.
-
Pour le volet régimes complémentaires : la difficulté de lecture
et de compréhension des cartes de mutuelle, de traitement des rejets dans les
DRE (Demande de Remboursement Electronique), d’identification des garanties
accordés pour les CDS (ni soins externes hospitaliers, ni médecine de ville).
Une attente forte a été exprimée pour bénéficier d’un interlocuteur RC unique,
d’une lisibilité de carte, et d’une gestion améliorée des rejets, et encore
beaucoup de gestion papier.
Très attendue, Mathilde Lignot
Leloup, Directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins à la
caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), a fait un point sur les évolutions
techniques en cours. L’objectif, sur 2016-2017, est de décliner de façon
opérationnelle les engagements pris par les organismes obligatoires et
complémentaires dans leur rapport conjoint AMO-AMC (remis à la Ministre le 19
février 2016).
De nombreux travaux inter-régimes
devraient donc améliorer, à moyen terme, le quotidien de services
administratifs et financiers de nos centres.
L’objectif pour l’assurance maladie
est de répondre aux attentes des professionnels de santé, à savoir :
-
Préserver le temps médical
-
Ne pas faire supporter le risque financier lié au tiers payant au
professionnel de santé
-
Garantir un paiement rapide, et un suivi simple
-
Organiser un accompagnement individualisé du professionnel de
santé
Citons notamment :
-
La suppression des rejets liés aux droits à partir du 1er
juillet 2016, sur la base de la carte vitale. Notamment les écarts de droits
entre carte vitale (non mises à jour) et droits en base, et les changements de
régime pour les affiliés.
-
La suppression des rejets pour les cas de patients hors parcours
début 2017 (et dès le 1er juillet 2017 pour les bénéficiaires de
l’ACS).
-
Une harmonisation et une amélioration des libellés de rejets, entre
régimes obligatoires.
-
La mise en œuvre progressive dans les logiciels métiers de
l’Acquisition des droits en ligne (ADRi)
Toutefois, la CNAM a admis qu’un
travail spécifique en direction des centres de santé devait être mené, pour
vérifier que les spécificités de leur facturation sont bien prises en compte
dans toutes ces réformes. Un groupe de travail a été annoncé, visant à réaliser
un « mémo facturation ».
Enfin, de nombreuses évolutions
supposent une mise à jour des logiciels.
Les caisses primaires qui sont par
ailleurs des partenaires importants pour les CDS, peuvent développer une
politique volontariste d’appui à la gestion du tiers payant.
C’est ce qui a été évoqué par Laurence
Dauffy, de la CPAM de Paris (Directrice de la régulation et des relations avec
les professions de santé). A ses yeux, l’accompagnement des CPAM auprès des CDS
est pertinent notamment pour garantir une analyse croisée des problématiques
les plus fréquemment rencontrées dans la gestion quotidienne du tiers-payant
(rejets ou encore modalités de transmission des pièces justificatives par
exemple).
Les commissions paritaires
départementales apparaissent alors comme des espaces privilégiés permettant des
échanges de proximité. Toutefois, la mise en place d’un groupe de travail
spécifique permettrait de réfléchir à des réponses communes et pertinentes aux
difficultés de terrain.
Par ailleurs, Laurence Dauffy évoque
également le domaine de la prévention comme axe de renforcement partenarial
entre CPAM et CDS.
Bien que le tiers-payant obligatoire
sur la part complémentaire – initialement prévu dans la loi Santé - ait été
annulé par le Conseil Constitutionnel, nous avons tenu à ce que les
complémentaires soient représentées à cette table-ronde. En effet, les centres
de santé sont massivement investis sur ce volet, et en attendent des
améliorations. Christophe Lapierre, Directeur des Système d’information à la
Mutualité Française, est venu présenter les travaux menés par l’association Inter-AMC,
créée en juin 2015, dans la perspective de la généralisation du tiers payant.
Là encore, des progrès sont
perceptibles, mais leur mise en œuvre concrète nous a semblé moins avancée. Il
est prévu d’automatiser l’intégration des données AMC dans les logiciels
via un système de flash code à biper, normalement possible à partir de 2017
sous réserve d’intégration dans les logiciels. Les données AMC pourront être
fiabilisées (droits en cours) via un service en ligne, IDB-CLS. Les éditeurs ne
semblent pas nombreux, pour l’instant, à vouloir inclure ce service en ligne
dans leur logiciel, et un appel a été lancé aux centres de santé pour qu’ils les
incitent à s’y intéresser. Concernant les conventionnements, un portail de
contractualisation unique sera opérationnel début 2017. La cible prioritaire de
ce portail concerne les médecins, les auxiliaires de soins et les centres
de santé. Toutefois, le champ du dentaire ne sera pas systématiquement inclus
dans l’offre. Pour la facturation des actes, une harmonisation des DRE /RSP (rejet
signalement paiement) est attendue.
Les questions et interventions des
participants du Congrès ont pointé plusieurs enjeux :
-
L’accès à
Espace Pro non ouvert aux CDS, qui de fait, ne permet pas aux
médecins de CDS d’effectuer en ligne les déclarations de médecin traitant. Cette
question met en lumière d’une part l’obligation pour les CDS de recourir au
papier (avec tout ce que cela engendre en termes de lenteur de traitement ou
même de perte de documents) alors que la démarche est simplifiée pour les
libéraux et d’autre part les pratiques abusives de certains professionnels
libéraux.
-
Le
renforcement indispensable de la communication entre CDS et CPAM, notamment
en réfléchissant à des interlocuteurs privilégiés au sein des CPAM
-
La
nécessaire garantie de paiement rapide par les organismes AMO mais surtout AMC, avec une
meilleure lisibilité des sommes versées (il est notamment question des prises
en charge de frais dentaires)
-
La nécessité
de prendre en compte les réalités des CDS en terme mobilisation et de
formation des personnels d’accueil sur les spécificités et complexités du
Tiers-Payant
Petit
clin d’œil pour terminer aux professionnels des centres de santé qui ont
témoigné, sur de courtes vidéos, de leur réalité quotidienne en matière de
tiers-payant, illustrant avec énergie et à propos le débat. Merci à eux !
Céline
Legendre Jabri – Directrice Adjointe de la Santé de Saint-Ouen (93).
Régine
Raymond – Directrice Administrative et Financière du centre de santé de Bezons
(95)