Allocution prononcée le 2 Octobre 2014 lors du 54ème Congrès National des
Centres de Santé par Mamoru Fujisué, Président de la Fédération Japonaise des Etablissements
Démocratiques de Santé (MIN-IREN)
"Docteur Eric May, Président de l'USMCS, Docteur Richard Lopez, Président de la Fédération Nationale des Centres de Santé,
Mesdames et messieurs les Congressistes, Mesdames et messieurs,
Merci de m’avoir permis d’assister aujourd’hui à
ce Congrès. Je saisis cette occasion pour vous présenter mes sincères sentiments
de respect et toute mon admiration pour vos activités quotidiennes qui visent à
offrir des soins de santé de qualité à la population mais aussi à lui assurer
une meilleure protection sociale. Je suis venu en France en tant que le représentant
d’une organisation qui, comme la vôtre, milite pour mettre fin aux tendances
observées généralement dans une grande majorité des pays industrialisés et
riches, celles du recul de la protection sociale et celles des tentatives de
plus en plus apparentes de faire de la santé et des soins un marché
lucratif. Je souhaiterais surtout avoir
des échanges avec vous pour mettre au profit nos expériences et nos pratiques
pour mieux servir nos populations.
Je m’appelle Mamoru Fujisué, Président de la Fédération japonaise des
établissements démocratiques de santé ou MIN-IREN. Je suis très heureux de faire votre connaissance.
Les échanges entre MIN-IREN et votre organisation
ont commencé en 1992 quand nous avons été invités à participer à un colloque
organisé par la ville de Clichy. J’y
ai rencontré, à cette occasion, le Docteur Michel Limousin. En 1994, MIN-IREN a signé un accord
avec la Fédération des Mutuelles de France (FMF) pour échanger les informations
concernant les services de santé et de la sécurité sociale dans nos pays
respectifs, ainsi que l’envoi de délégations lors de nos congrès nationaux
respectifs. Plus récemment, en
2013, nous avons eu le plaisir d’accueillir le Docteur Limousin et le Docteur
Eric May aux célébrations du 60ème anniversaire de notre
organisation.
L’histoire de MIN-IREN remonte à la création en 1930 d’une clinique pour
les pour les gens les plus pauvres. Ce type d’établissement s’est multiplié ensuite
rapidement dans 20 endroits du pays pour offrir des soins aux travailleurs et
paysans démunis et ainsi s’opposer à la
guerre d’agression. En
1941, à la veille du déclenchement de la guerre du Pacifique, ces cliniques ont
dû toutes fermer à cause de la répression gouvernementale. Immédiatement après la défaite du Japon
dans la seconde guerre mondiale, les efforts de création de ces cliniques ont
repris, appelées alors des « cliniques démocratiques ». De sorte qu’en 1953, 117 cliniques se
sont mises ensemble dans le pays, pour constituer MIN-IREN, se donnant comme
mission la réalisation d’une offre de soins sanitaires sans
discrimination. Aujourd’hui, notre
fédération compte parmi ses membres, 142 hôpitaux, 581 cliniques et 1.092 antennes
de soins à domicile, employant environ 80.000 personnes au total, dont 35.000
médecins et 25.000 infirmiers permanents. Chacune des entités membres est en principe une organisation
privée non-lucrative ayant des caractérisques variées notamment celles de
coopératives de consommateurs.
Plus de 3 millions de personnes dans tout le pays participent à la
création et à la gestion de nos entités. Ils en sont membres au titre, soit de coopérant, soit
d’investisseur. En collaboration
aves les personnels de santé, ces hôpitaux et cliniques sont à la pointe du
mouvement pour encourager les activités autonomes de santé publique et améliorer
la protection sociale. Ils jouent
ainsi un rôle indispensable pour les communautés locales où ils sont implantés.
Comme en France, le système sanitaire japonais repose depuis plus de 50 ans
sur une couverture universelle par les assurances-maladies, un droit garanti
par la Constitution. Toutefois,
depuis les années 1980, le gouvernement met en oeuvre des mesures visant à
contrôler les dépenses de santé et en particulier à réduire le nombre de médecins. Les forces qui réclament une protection
sociale plus décente ont toujours résisté à ces politiques. Depuis 1997,
MIN-IREN et les autres organisations progressistes ont interpellé l’opinion
publique. Ils ont réussi, cette
année à remettre en cause la décision du Conseil des Ministres prise il y
a 30 ans. Ils ont obtenu une augmentation
de 1.200 (15%) du « numérus clausus » des facultés de médecine lequel
était un des plus bas parmi les pays de l’OCDE.
Aujourd’hui, le gouvernement de Shinzo Abé s’est engagé témérairement sur
la voie de la remilitarisation du Japon. Celle-ci a commencé par la décision du Cabinet d’approuver, malgré
l’interdit de la Constitution, le recours au droit de défense collective et par
celle de donner le feu vert à la construction d’une nouvelle base militaire
américaine de premier ordre à Okinawa. Dans le même temps, il tente d’aller encore plus
loin, et plus vigoureusement, dans une réforme néolibérale de la sécurité
sociale et du système de santé.
Bien que le Japon soit devenu une des nations les plus vieillissantes du
monde, il veut réduire davantage le nombre de lits pour les patients en phase aigüe,
encourager les transferts des patients âgés de l’hôpital à leur domicile et réduire
ainsi l’offre publique de soins aux personnes en perte d’autonomie, bien qu’une
assurance-dépendance d’Etat ait été mise en place en 2000. De plus, en profitant des négociations
sur le libre-échange avec les Etats-unis, le gouvernement tente d’ouvrir aux
capitaux étrangers les marchés japonais d’assurances privées et d’industries
relatives à la santé dans le but de les transformer en marchés lucratifs. Contre ces tentatives gouvernementales
qui mettent en péril le service de santé, une majorité croissante de la
population se rassemble au-delà des clivages classiques entre partis politiques
ou entre syndicats.
Aujourd’hui, notre pays se situe au dernier rang des pays développés en
termes de natalité, de taux de suicides et de pauvreté relative. Sa réputation d’être une société
relativement égalitaire jouissant d’un niveau de santé élevé est en train de de
s’effondrer rapidement.
En 2013, MIN-IREN a publié les “Recommandations
en faveur du droit à la santé et aux soins à domicile en tant que droit
humain » pour inaugurer un large mouvement populaire basé sur une
nouvelle vision d’Etat du bien-être. Pour conclure, je voudrais vous faire part
de notre engagement pour renforcer et approfondir la solidarité et l’amitié
avec vous et pour œuvrer ensemble contre les réformes néolibérales des services
de santé dans le monde.
Luttons ensemble pour la paix et la santé pour tous.