jeudi 15 janvier 2015

La fédération japonaise MIN-IREN au congrès national des centres de santé


Allocution prononcée le 2 Octobre 2014 lors du 54ème Congrès National des Centres de Santé par Mamoru Fujisué, Président de la Fédération Japonaise des Etablissements Démocratiques de Santé (MIN-IREN)
"Docteur Eric May, Président de l'USMCS, Docteur Richard Lopez, Président de la Fédération Nationale des Centres de Santé, 
Mesdames et messieurs les Congressistes, Mesdames et messieurs,
Merci de m’avoir permis d’assister aujourd’hui à ce Congrès. Je saisis cette occasion pour vous présenter mes sincères sentiments de respect et toute mon admiration pour vos activités quotidiennes qui visent à offrir des soins de santé de qualité à la population mais aussi à lui assurer une meilleure protection sociale. Je suis venu en France en tant que le représentant d’une organisation qui, comme la vôtre, milite pour mettre fin aux tendances observées généralement dans une grande majorité des pays industrialisés et riches, celles du recul de la protection sociale et celles des tentatives de plus en plus apparentes de faire de la santé et des soins un marché lucratif.  Je souhaiterais surtout avoir des échanges avec vous pour mettre au profit nos expériences et nos pratiques pour mieux servir nos populations.  Je m’appelle Mamoru Fujisué, Président de la Fédération japonaise des établissements démocratiques de santé ou MIN-IREN.  Je suis très heureux de faire votre connaissance.

 Les échanges entre MIN-IREN et votre organisation ont commencé en 1992 quand nous avons été invités à participer à un colloque organisé par la ville de Clichy.  J’y ai rencontré, à cette occasion, le Docteur Michel Limousin.  En 1994, MIN-IREN a signé un accord avec la Fédération des Mutuelles de France (FMF) pour échanger les informations concernant les services de santé et de la sécurité sociale dans nos pays respectifs, ainsi que l’envoi de délégations lors de nos congrès nationaux respectifs.  Plus récemment, en 2013, nous avons eu le plaisir d’accueillir le Docteur Limousin et le Docteur Eric May aux célébrations du 60ème anniversaire de notre organisation.
L’histoire de MIN-IREN remonte à la création en 1930 d’une clinique pour les pour les gens les plus pauvres. Ce type d’établissement s’est multiplié ensuite rapidement dans 20 endroits du pays pour offrir des soins aux travailleurs et paysans démunis et ainsi s’opposer à la  guerre d’agression.  En 1941, à la veille du déclenchement de la guerre du Pacifique, ces cliniques ont dû toutes fermer à cause de la répression gouvernementale.  Immédiatement après la défaite du Japon dans la seconde guerre mondiale, les efforts de création de ces cliniques ont repris, appelées alors des « cliniques démocratiques ».  De sorte qu’en 1953, 117 cliniques se sont mises ensemble dans le pays, pour constituer MIN-IREN, se donnant comme mission la réalisation d’une offre de soins sanitaires sans discrimination.  Aujourd’hui, notre fédération compte parmi ses membres, 142 hôpitaux, 581 cliniques et 1.092 antennes de soins à domicile, employant environ 80.000 personnes au total, dont 35.000 médecins et 25.000 infirmiers permanents.  Chacune des entités membres est en principe une organisation privée non-lucrative ayant des caractérisques variées notamment celles de coopératives de consommateurs.  Plus de 3 millions de personnes dans tout le pays participent à la création et à la gestion de nos entités.  Ils en sont membres au titre, soit de coopérant, soit d’investisseur.  En collaboration aves les personnels de santé, ces hôpitaux et cliniques sont à la pointe du mouvement pour encourager les activités autonomes de santé publique et améliorer la protection sociale. Ils jouent ainsi un rôle indispensable pour les communautés locales où ils sont implantés.

Comme en France, le système sanitaire japonais repose depuis plus de 50 ans sur une couverture universelle par les assurances-maladies, un droit garanti par la Constitution.  Toutefois, depuis les années 1980, le gouvernement met en oeuvre des mesures visant à contrôler les dépenses de santé et en particulier à réduire le nombre de médecins.  Les forces qui réclament une protection sociale plus décente ont toujours résisté à ces politiques.  Depuis 1997, MIN-IREN et les autres organisations progressistes ont interpellé l’opinion publique.  Ils ont réussi, cette année à remettre en cause la décision du Conseil des Ministres prise il y a 30 ans.  Ils ont obtenu une augmentation de 1.200 (15%) du « numérus clausus » des facultés de médecine lequel était un des plus bas parmi les pays de l’OCDE.

Aujourd’hui, le gouvernement de Shinzo Abé s’est engagé témérairement sur la voie de la remilitarisation du Japon.  Celle-ci a commencé par la décision du Cabinet d’approuver, malgré l’interdit de la Constitution, le recours au droit de défense collective et par celle de donner le feu vert à la construction d’une nouvelle base militaire américaine de premier ordre à Okinawa. Dans le même temps, il tente d’aller encore plus loin, et plus vigoureusement, dans une réforme néolibérale de la sécurité sociale et du système de santé.  Bien que le Japon soit devenu une des nations les plus vieillissantes du monde, il veut réduire davantage le nombre de lits pour les patients en phase aigüe, encourager les transferts des patients âgés de l’hôpital à leur domicile et réduire ainsi l’offre publique de soins aux personnes en perte d’autonomie, bien qu’une assurance-dépendance d’Etat ait été mise en place en 2000.  De plus, en profitant des négociations sur le libre-échange avec les Etats-unis, le gouvernement tente d’ouvrir aux capitaux étrangers les marchés japonais d’assurances privées et d’industries relatives à la santé dans le but de les transformer en marchés lucratifs.  Contre ces tentatives gouvernementales qui mettent en péril le service de santé, une majorité croissante de la population se rassemble au-delà des clivages classiques entre partis politiques ou entre syndicats. 

Aujourd’hui, notre pays se situe au dernier rang des pays développés en termes de natalité, de taux de suicides et de pauvreté relative.  Sa réputation d’être une société relativement égalitaire jouissant d’un niveau de santé élevé est en train de de s’effondrer rapidement.

En 2013, MIN-IREN a publié les “Recommandations en faveur du droit à la santé et aux soins à domicile en tant que droit humain » pour inaugurer un large mouvement populaire basé sur une nouvelle vision d’Etat du bien-être. Pour conclure, je voudrais vous faire part de notre engagement pour renforcer et approfondir la solidarité et l’amitié avec vous et pour œuvrer ensemble contre les réformes néolibérales des services de santé dans le monde.
Luttons ensemble pour la paix et la santé pour tous.
Je vous remercie".

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