Après la séquence des municipales et le
remaniement ministériel, après l’annonce de la mise en œuvre du pacte de
« responsabilité », quelles sont les perspectives pour la santé, pour
la protection sociale, pour les centres de santé ?
Alternances
municipales… et renforcement de l’austérité
Tout d’abord, examinons les résultats des
municipales. Nombreuses sont les communes gérant un centre de santé qui ont
changé de majorité. Nous en appelons à la responsabilité des nouveaux élus
quelle que soit leur appartenance politique : le centre de santé garantit
une offre de soins de proximité pour tous et est un outil d’intégration sociale
incomparable. C’est aujourd’hui le meilleur rempart contre la désertification
médicale. Aussi, l’Union Syndicale des Médecins de Centres de Santé appelle à
la vigilance les professionnels de santé, les personnels des centres, les
usagers, les citoyens. Elle sera très attentive au devenir des centres de santé que leurs nouveaux
gestionnaires seraient tentés de démanteler par inconscience, par
irresponsabilité ou par dogmatisme. Et elle interviendra partout où des menaces
apparaitront, pour convaincre d’abord, pour lutter s’il le faut.
Revenons-en au Pacte de responsabilité. Un
« pacte » nous a-t-on annoncé? Non, ce n’est pas un pacte. Un
pacte se conclut à deux. Entre deux partenaires informés et consentants. Ici,
point de pacte, point de consultation démocratique, juste un oukase du
gouvernement en réponse aux exigences d’une Europe technocratique et financière
qui a perdu la tête, un oukase en totale contradiction avec les engagements du
candidat Hollande.
50 milliards d’économie sont donc à
réaliser d’ici 2017 sur les finances publiques dont 11 milliards sur les
dépenses des collectivités, 10 milliards pour l’Assurance Maladie, 11 sur les
autres dépenses sociales : autant d’efforts qui vont impacter péjorativement
la politique de santé nationale, la protection sociale solidaire, les
initiatives des collectivités en matière de santé. C’est une attaque sans
précédent contre le droit à la santé pour tous. Les patients vont payer dans le meilleur des cas,
quand ils le pourront, de leur poche ; dans le pire, ils paieront de leur santé. Les conséquences
sanitaires et sociales de cette politique d’austérité inconséquente et qui ne
dit pas son nom sont prévisibles : il suffit d’en observer les premiers
résultats en Europe, en Espagne et en Grèce par exemple.
Dans ce contexte, que va-t-il advenir des centres de
santé dont la pertinence venait d’être enfin reconnue par la Ministre Marisol
Touraine? Souvenez-vous de son discours au dernier congrès des centres de
santé…
Comment les centres de santé municipaux
mais aussi associatifs qui bénéficiaient du soutien des collectivités vont-ils survivre quand les dotations de l’Etat pour ces mêmes collectivités
vont fondre comme neige au soleil, pacte d’austérité oblige? Comment vont-ils
pouvoir maintenir une offre de santé publique, poursuivre leurs missions sociales
d’accessibilité aux soins de qualité et à la prévention?
Les centres sont condamnés (encore) à se battre
pour simplement survivre quand paradoxalement tout justifie qu’ils se
développent : la crise économique et sociale, la désertification médicale,
l’explosion des maladies chronique, les aspirations des jeunes praticiens pour un exercice moderne, en équipe et
coordonné, les attentes des
usagers et des citoyens pour une médecine de qualité, pour une pratique
éthique, scientifique, efficace (le
juste soin au juste coût), cette pratique que l’USMCS promeut et défend
depuis toujours. Autant d’enjeux que les centres de santé sont en mesure de
relever si on leur accorde enfin les moyens à la hauteur de leurs missions. Et
qui justifie une révolution des pratiques et de l’organisation de la santé,
thème central du prochain Congrès
National des Centres de Santé qui se tiendra à Paris les 2 et 3 octobre
prochains.
Paradoxalement, le temps des centres de
santé est peut-être arrivé.
Car leur avenir va se jouer dans les
semaines qui viennent. En effet, nous avons été enfin entendus après des mois
passés à exiger une renégociation de l’Accord National et une mise en œuvre des
préconisations de l’IGAS, à demander un autre pacte, le Pacte d’Avenir des
Centres de Santé. Sachez que l’appel pour ce pacte a été signé par des milliers
d’élus, de personnalités, d’usagers, de professionnels de santé...
Le
temps des négociations avec les professionnels
Les négociations de l’Accord National
débutent en effet en cette fin de mois de mai. Une signature entre la CNAMTS et
les organisations gestionnaires des centres de santé est attendue pour octobre.
Les enjeux sont majeurs. L’Union attend dans ce nouvel Accord la reconnaissance
et le financement de toutes les missions des centres de santé. Les dispositifs conventionnels libéraux
devront être enfin totalement transposés pour mettre fin à la discrimination
dont sont victimes les centres de santé. Et des nouveaux dispositifs de
financement qui prennent en compte le coût structurel des missions spécifiques
des centres devront leur être accordés à l’exemple du forfait de gestion
regroupée que préconise le rapport de l’IGAS. L’USMCS compte bien participer au
débat et par son expertise, y faire valoir ses revendications. Mais rien n’est
moins sûr, elle en est exclue : selon la Loi, l’Accord National doit s’écrire sans les organisations des
professionnels de santé. Notre présence est pourtant indispensable. Les choix qui seront faits auront en effet
des conséquences directes sur la pratique médicale dans nos centres. L’USMCS va
donc demander à participer aux négociations. Une réponse négative de la CNAMTS
et des gestionnaires serait incompréhensible.
Dans le même temps, les négociations sur
l’Accord Conventionnel
Interprofessionnel (ACI) vont
aussi débuter entre la CNAM et les syndicats des professions médicales
libérales. Elles ont pour objectif de déterminer le mode de financement des pratiques d’équipe qui
devrait succéder aux Nouveaux Modes de Rémunération (NMR). Un autre enjeu
majeur pour les centres de santé.
Les organisations gestionnaires des centres de santé ont obtenu de
pouvoir participer aux négociations dont elles étaient initialement exclues.
Bravo à elles! Mais, là encore, l’expertise et l’expérience des équipes des
centres de santé doivent contribuer aux débats.
Vous l’avez compris, les mois à venir vont être décisifs pour
l’avenir des centres de santé. Comptez sur l’Union Syndicale pour être sur tous
les fronts et y défendre les centres de santé et leurs équipes!
Eric May