Une
lente exfiltration de la formation universitaire des murs du CHU
En 1958,
les Ordonnances Debré, créant les Centres Hospitaliers Universitaires, ont exclu de facto
les soins ambulatoires, et particulièrement les soins primaires, de
l’Université.
La
formation hors les murs de l’université s’est d’abord développée dans le champ
de la formation continue, notamment par le biais de la création d’associations
de formation médicale continue, gérées par des médecins généralistes.
À
partir des années 70, des expérimentations de liens entre Université et
médecine générale sont nées, notamment avec la création d’un 3ème
cycle expérimental de médecine générale à Bobigny. Dans les années 80, ces
expérimentations ont abouti à la création de Départements de médecine générale
au sein de nombreuses Facultés de médecine françaises, et la mise en place d’un
3ème cycle de médecine générale dont la durée a augmenté
progressivement.
Ce
n’est qu’en 1997, avec la mise en place d’un stage obligatoire de médecine
générale pour tous les résidents (puis internes de médecine générale) que
l’Université s’est officiellement étendue hors des murs du CHU, reconnaissant
ainsi que la formation médicale initiale pouvait dépasser ces frontières
jusque-là hermétiques. En 2004, la mise en place d’un second Stage autonome en
soins primaires ambulatoires supervisés (SASPAS)
venait compléter cette formation extrahospitalière.
Parallèlement,
une filière de cadres universitaires de médecine générale s’est progressivement
mise en place (enseignants universitaires associés en 1991, chefs de clinique
en 2007, enseignants universitaires titulaires en 2009).
Les
centres de santé et l’Université
D’abord
exclus des premiers dispositifs de stage obligatoire en médecine générale, ils
sont progressivement rentrés dans le droit commun.
Actuellement,
de nombreux médecins généralistes exerçant en centres de santé sont aussi
maîtres de stage pour des étudiants de 2ème et 3ème cycle
des études médicales. Les centres de santé sont également des lieux de stage
pour des étudiants en chirurgie dentaire et des étudiants de filières
paramédicales ou médico-sociales. Ils sont également le lieu de l’activité
clinique de plusieurs enseignants titulaires et associés de médecine générale,
ainsi que de chefs de clinique en médecine générale.
La
recherche en centres de santé se développe également. D’une part, des projets
sont portés par certaines structures notamment dans le cadre de thèses
d’internes de médecine générale ou de mémoires d’étudiants d’autres filières.
D’autre part, les professionnels des centres de santé participent comme
investigateurs à des études de plus grande envergure. Enfin, le mouvement des
centres de santé est promoteur de plusieurs études (Épidaure,
Demomed CDS, etc.).
Récemment,
la création de l’InstitutJean-François Rey (institut de recherche en centres de santé) puis de SPP-IR
(Soins primaires pluriprofessionnels – Innovation et recherche) témoignent de
l’intérêt des centres de santé pour la recherche.
Des
structures ambulatoires universitaires
Il
manquait, au paysage de l’universitarisation des soins primaires, des
structures ambulatoires universitaires, pendant des CHU dans le secteur
ambulatoire.
Si
certaines maisons de santé pluriprofessionnelles se sont autoproclamées
universitaires, le mouvement des centres de santé a participé, dès 2013, aux
travaux institutionnels menés sur le sujet de l’universitarisation des maisons,
pôles et centres de santé.
En
janvier 2016, la loi de modernisation de notre système de santé a modifié le
code de la santé publique. Elle a introduit, dans son articleL.6323-1, la notion de centre de santé pluriprofessionnel universitaire,
prévoyant d’une part une convention tripartite entre le centre de santé,
l’Agence Régionale de Santé et l’Université et d’autre part un arrêté précisant
les modalités d’organisation, de fonctionnement et d’évaluation de ces centres.
Et
maintenant ? Quels enjeux ?
L’Union Syndicale des Médecins deCentres de Santé participe, au même titre que la Fédération Nationale des
Centres de Santé, à l’écriture des textes réglementaires visant à encadrer ces
centres de santé pluriprofessionnels universitaires.
Ces
centres doivent d’abord répondre à des enjeux territoriaux, en participant à
l’organisation territoriale de la santé.
Ils
pourraient ainsi être des centres de référence ambulatoires sur un territoire
et constituer autour d’eux un réseau de soins, d’enseignement et de recherche impliquant
les autres centres de santé du territoire mais aussi les structures libérales
et les professionnels isolés.
Ils
devraient être le lieu d’expérimentation puis de développement de nouvelles
pratiques (éducation en santé, éducation thérapeutique, protocoles de
coopération, télémédecine, comités d’usagers, recueil en continu de données de
santé, etc.).
Lieux
d’exercice d’universitaires de médecine générale, lieux de stage d’étudiants,
ils devraient être des pôles de dynamisation du territoire.
Ces
missions devraient être définies au sein d’un projet de santé, d’enseignement
et de recherche.
Enfin,
ils pourraient être le creuset de l’universitarisation des autres filières que
la médecine générale.
Ces
missions et ces enjeux ont l’air relativement consensuels entre les différents
protagonistes de ce dossier.
En
revanche, la question des moyens reste entière. Pour
mener à bien leur mission d’enseignement et de recherche, il est indispensable
que les centres de santé pluriprofessionnels universitaires bénéficient de
moyens dédiés, à l’instar des dotationsMERRI (missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation)
pour les CHU.
Sans
cela, les centres de santé pluriprofessionnels universitaires ne seraient que
des coquilles vides ou un label réservé à des initiés.
Dr Yannick Ruelle
Médecin généraliste, CMS de
Pantin
Maître de conférences associé,
UFR SMBH, Université Paris 13
Membre du bureau de l’USMCS