Facilitateurs de l'accès aux
soins et de l'accessibilité sociale pour tous, acteurs de santé publique et de
promotion de la santé pour les populations des territoires les environnant, les
centres de santé répondent aux souhaits d'organisation de la santé, ainsi
qu'aux besoins, pour l'ensemble
des acteurs concernés par ces problématiques dans notre pays : populations, usagers,
professionnels soignants et pouvoirs publics.
Malgré leur potentiel, leur
attrait, leur efficience, nombre d'entre eux sont en difficulté pour développer
leurs missions auprès des populations ou seulement les maintenir voire
continuer d'exister. Raison principale : les coûts des missions des
centres restent toujours incomplètement et imparfaitement pris en compte. Le
cadre réglementaire actuel ne permet absolument pas l’adéquation entre besoins
et réalités. Il faut mettre en place au niveau national un nouveau cadre
réglementaire et économique des centres : celui d'Etablissement Public de Santé
Ambulatoire.
Ce pourrait être pour les structures le souhaitant dans un premier
temps le statut de Société coopérative d'Intérêt collectif, étape vers le
statut national, à créer, que nous appelons de nos vœux.
A. LES CENTRES DE SANTE, ACTEURS RECONNUS DANS
LES DOMAINES DU SOIN, DE LA SANTE
PUBLIQUE, DE L'ACCESSIBILITE SOCIALE, DE L'ORGANISATION ET LA COORDINATION, DE
LA FORMATION
1. Pour les usagers de santé et la population générale
Ils contribuent à réduire les inégalités
sociales de santé, ainsi que les inégalités territoriales de réponses aux
besoins. Ils permettent l'accès aux soins par les mesures pratiquées en termes
d'accessibilité sociale: tarifs conventionnels, tiers payant pour tous, prise
en charge des bénéficiaires de la CMU, l'AME, etc... Les usagers sont au centre
de leurs préoccupations, les sécurisant, les accompagnant pour leur parcours de
soins, leur proposant sur le plan sanitaire une unité de lieu, une équipe
pluridisciplinaire, un plateau technique, une coordination des soins et un
travail d'équipe, des prestations non polluées en qualité par le paiement à
l'acte.
2. Pour les pouvoirs publics
Ils répondent aux critères de modernité qui prévalent désormais en
termes de coordination des soins, de pluridisciplinarité, de dossier médical
commun, de formation médicale initiale et continue, d'organisation d'actions de
santé publique dans et hors les murs, de prise en charge des maladies
chroniques,…
Le salariat des soignants,
rémunérés à la fonction et non à l'acte, permet d'éviter toute dérive
productiviste, de garantir le juste soin au juste coût.
3. Pour les professionnels soignants
Ceux-ci apprécient l'exercice
regroupé, le travail d'équipe, les conditions de travail. Ils bénéficient du
salariat. Ils peuvent optimiser leur temps d'activité privilégiant le temps
médical grâce aux coopérations avec les équipes administratives et sociales.
Celles-ci, avec le praticien et les équipes paramédicales permettent une prise
en charge globale des patients et une organisation sanitaire rationnelle.
B. DIFFICULTES DES CENTRES DE SANTE ET DE LEURS PROMOTEURS
1. Difficultés financières
Le nouvel Accord National, bien qu’amélioré par rapport au précédent,
laisse nombre des problèmes budgétaires que rencontrent les centres non réglés
et trop de missions ou d'éléments
ne sont pas pris en compte. Par exemple :
- pratique du tiers payant sécurité sociale et complémentaire
qui continuera à représenter un coût important malgré la généralisation et la
simplification à venir du seul tiers payant assurances maladies,
- contraintes économiques d'un établissement de
soins,
- coût des équipes administratives participant à
l'accueil, l'accompagnement et la gestion du tiers payant,
- coût du risque d'impayés
- surcoût de la prise en charge de populations en
difficultés (sociale, culturelle, langue)
- financements non pérennes des actions de Santé
Publique
2. Pourtant les centres répondent aux besoins de santé
Malgré les menaces financières et
les difficultés non réglées qui amènent certains gestionnaires à reconsidérer leur
implication financière, de nombreux centres voient le jour, en particulier en
province, dans des cités de petite, moyenne ou grande taille. Afin de faire
face aux déserts médicaux qui s’étendent, de prendre en compte les souhaits des
nouvelles générations de médecins (exercice regroupé, salariat, travail
d'équipe) de nouveaux promoteurs sont à l'initiative de la création de ces
nouvelles structures : municipalités de toutes couleurs, collectifs de médecins,
hôpitaux de proximité. Des besoins émergent sur l'ensemble du territoire.
3. Difficultés réglementaires
Même si toutes les revendications
budgétaires étaient satisfaites, les centres représenteraient un cout
structurel pour les promoteurs qui le géreraient. Il faut donc un cadre qui
permette l'association de plusieurs promoteurs sur un territoire donné pour
partager les couts restants et les responsabilités.
Il faut faire cesser cette
situation ou des promoteurs ouvrent ou ferment des cds selon leurs envies, leurs
choix politiques ou leurs alliances. Peut-être serait-il bon de substituer à
ces critères l'intérêt général des populations d'un territoire et de s'attacher
à la démocratie sanitaire.
C. QU'ATTENDRE D'UN NOUVEAU CADRE REGLEMENTAIRE
?
Qui peut ou doit créer un centre?
Quand? Où? Avec qui? Sur quel territoire?
Il faut:
1. définir qui peut ou
qui doit promouvoir un centre de santé dans un territoire donné pour répondre
aux besoins de santé des populations de ce territoire,
2. prévoir une carte sanitaire
et envisager des conditions et une procédure d'agrément, pour créer un centre,
qui ouvrent droit à des financements (critères territoriaux sanitaires et
sociaux, critères d'objectifs et projets, critères d'évaluation,...)
3. créer un nouveau modèle économique et organisationnel
mettant en adéquation statut, missions et financements des centres. Celui-ci
devra :
- encourager plusieurs promoteurs concernés par un
territoire à être copilotes et à
cogérer la création et le fonctionnement d'un centre(ce pourrait-être des
municipalités, mutuelles, associations, hôpitaux de proximité, ainsi que le
département, la région, l'ARS,...). Il s'agit de partager le pouvoir pour partager les couts.
- définir les conditions de créations des futurs
centres selon les besoins, faisant cesser la situation actuelle qui fait dépendre
l'existence des centres de choix aléatoires et temporaires sans empêcher les
fermetures intempestives. On ne
peut faire reposer un système sanitaire sur de la bonne volonté éventuelle.
- créer un statut pour les professionnels exerçant
dans les centres sur l'ensemble du territoire national s'appuyant sur le
salariat à la fonction et mettant fin à la situation hétéroclite actuelle.
- mettre en place une nouvelle gouvernance pour les
centres de santé prenant en compte la démocratie sanitaire. La gouvernance d'un
centre devra comprendre les différents promoteurs et financeurs, les
représentants des usagers la direction médicale associée à la direction
administrative, les représentants des personnels soignants et non soignants.
D. QUELLES PISTES CONCRETES MAINTENANT ? QUELS
CADRES JURIDIQUES POSSIBLES?
Toute cette réflexion pourrait
paraitre du domaine de l'utopie. C'était d'ailleurs le cas il y a plus de
quinze ans. Mais depuis les esprits, les besoins, les réglementations ont
évolué et de plus en plus nombreux sont ceux qui pensent que cette évolution
est nécessaire et possible. Restent à trouver les modalités juridiques
concrétisables. Nous nous y sommes attelés depuis plusieurs années à l'Union
Syndicale des Médecins de Centres de Santé, prenant des avis auprès de
personnes compétentes.
Lors du 55e congrès des Centres
de Santé nous avions sollicité sur cette question la présidente de la commission
sanitaire et sociale à l'Assemblée Nationale, le président du conseil de
l'Ordre des Médecins et le directeur de la DGOS. A ce dernier, nous avions demandé qu'un travail dans ce sens
soit initié dans le groupe de réflexion permanente des centres de santé
associant DGOS, promoteurs et syndicats de soignants des centres de santé. Il
avait acté notre proposition; Nous verrons au 56e congrès si les choses
avancent.
Cela d'autant que des expériences
se font jour qui vont dans ce sens et qui seront évoquées lors du congrès.
Ainsi la transformation de centres de santé (ou la création) en centres
coopératifs sous forme de Société Coopérative d'Intérêt Collectif. Cette piste
juridique est intéressante car elle constitue une avancée importante
correspondant à notre démarche. Toutefois elle ne satisfait pas l'ensemble des
items évoqués plus haut mais permet un progrès dans un cadre juridique
relativement simple à mettre en place.
Cela peut représenter une étape
vers le statut d'établissement public de santé ambulatoire plus difficile à
négocier mais qui serait un statut national avec toutes les conséquences sur
l'organisation sanitaire, la carte sanitaire, la gouvernance, le statut des
professionnels,...
Dans tous les cas cette démarche
est porteuse d'espoirs qui ne doivent pas nous faire oublier les risques, les
difficultés, les contraintes que nous aurons à surmonter dans la diversité de l'imbroglio
juridique. Il nous faudra tenir compte des (bonnes ou mauvaises) volontés
gouvernementales, des réticences libérales et des appréhensions mitigées des
élus de toutes catégories.
Alain Brémaud